Les cours de la graine de colza battent record sur record depuis plusieurs semaines et viennent de franchir la barre symbolique des 450 €/t en Europe, à l’instar de ceux du soja dont les cours dépassent largement les 500 €/t à Chicago. Le déséquilibre entre l’offre et la demande mondiales des oléagineux devient structurel, les stocks sont au plus bas et les observateurs sont à l’affût de la moindre difficulté climatique qui entoure les récoltes, notamment au Brésil et en Argentine. Le 9 février, la graine de colza sur le Fob Moselle affiche 451 €/t, soit 15 € de plus que la semaine précédente, et près de 100 € de plus qu’il y a un an. Le cours est identique pour le Rendu Rouen.

Sur les marchés à terme, même tendance. L’échéance de mai sur Euronext s’inscrit à 445 €/t, celle d’août à 408 €/t et celle de novembre à 405 €/t. Pendant quelques semaines, les investisseurs se sont méfiés d’un risque de retournement et un écart s’était creusé avec les marchés physiques, mais ces craintes ont été balayées par les rapports successifs de l’USDA sur les perspectives d’offre et de demande mondiales. Par ailleurs, le départ de Donald Trump et ses tweets agressifs vis-à-vis de la Chine ou de l’Europe, qui avaient pour effet de rendre les marchés volatils, ont renforcé les convictions qu’il n’y aurait pas de menace sur les flux entre les pays, comme c’était le cas en 2018 et 2019. On observe une sorte de retour aux fondamentaux du marché.

En Europe, les perspectives sont positives d’autant que les semis, pour la récolte de 2021, ne sont soumis à aucun des aléas climatiques rencontrés lors des récoltes précédentes : pluies trop abondantes suivies de périodes de sécheresse. Si le climat doux tel que l’indique le bulletin Mars, édité par la Commission européenne et daté de janvier, se poursuit, la récolte se situera aux alentours de 28-30 Mt. Mais en France, la sole de colza d’hiver vient d’être revue à la baisse à 1 Mha, en baisse de 9 % sur un an et de 26 % par rapport à la moyenne 2016-2020. L’an dernier, les prix étaient bas et les producteurs peu incités à semer, d’autant qu’ils avaient été confrontés à des problèmes sanitaires sans possibilité d’y faire face. Les conditions actuelles pourraient être plus propices pour la prochaine campagne.

Stock de canola en baisse

Sur les autres marchés, les cours s’envolent aussi. Le 9 février, la graine de canola canadien vaut, à Winnipeg, 545 US$, après avoir atteint 560 US$ à son plus haut niveau quelques jours auparavant. Selon StatCan (ministère de l’Agriculture canadien), les stocks de canola sont en repli de 24 % à 12,1 Mt, par rapport à la même date de l’an passé. Aux États-Unis, la graine de soja valait 515 €/t à Chicago, évoluant dans un couloir de prix de 480 à 520 $/depuis trois semaines. Les stocks de fin de campagne sont estimés à 3,8 Mt, du jamais vu. Le prochain rapport de l’USDA pourrait afficher des stocks à zéro. Et d’après des déclarations de farmers américains, on s’apprête à augmenter les surfaces semées d’environ 8 %, à plus de 36 millions d’ha.

Concernant la demande mondiale d’oléagineux, c’est toujours la Chine qui alimente la hausse des cours. Elle poursuit ses achats de soja à un rythme très élevé et aurait déjà anticipé des achats pour la récolte à venir en 2021, via des contrats à terme, craignant de manquer d’aliments pour son cheptel porcin et ses volailles. Là encore, c’est du jamais vu à cette période de l’année. L’Europe continue aussi d’importer une grande quantité de soja – à la fois des États-Unis et du Brésil. La hausse des cours n’est sans doute pas encore à son terme.