Une centaine d’exploitations en agroforesterie intraparcellaires ont été financées dans les Hauts-de-France. Pourtant, l’agroforesterie reste timide dans les zones de grandes cultures alors qu’elle se déploie plus vite chez les éleveurs. « Les agriculteurs craignent la compétition entre les arbres et la culture, la perte de surface arable et la diminution du rendement », mesure François Delbende, chargé de mission à l’Institut supérieur d’agriculture (ISA) de Lille. D’autres difficultés sont évoquées : la gêne pour les travaux mécanisés, l’augmentation du temps de travail et le statut de fermage. Les spécialistes balaient ces obstacles. En particulier, ils estiment que la présence d’arbres ne constitue pas une perte de revenu, dans la mesure où il s’agit de capitaliser à long terme sur la production de bois. De plus, l’arbre n’entre pas en compétition avec la culture, car il prélève majoritairement les ressources en profondeur. Enfin, pour ne pas gêner la mécanisation et la récolte d’une culture, les lignes peuvent être dimensionnées en fonction du matériel de l’agriculteur.

Biomasse et carbone

Les avantages apportés par les plantations d’arbres sont multiples. Une production en biomasse est en moyenne 1,4 fois plus élevée dans une parcelle agroforestière par rapport à une culture pure. La biodiversité des agrosystèmes est mieux préservée, la séquestration du carbone plus élevée qu’avec une culture seule. Enfin, les arbres apportent une protection contre les vents dominants et contre l’érosion. « Comme une grande partie du territoire est classée en zones vulnérables aux nitrates et que l’aléa érosif des sols est très fort toute l’année, l’agroforesterie pourrait bien être une alternative pour une production alimentaire durable dans ce territoire », estime François Delbende. L’équipe d’enseignants-chercheurs de la fédération Yncrea et de l’ISA de Lille a mis en place un projet d’agroforesterie sur l’exploitation d’Antoine Dequidt à Ramecourt. D’autres projets ont vu le jour, en particulier au sein des parcs naturels régionaux. À Campagne-le-boulonnais (62) dans le parc naturel Caps et Marais d’Opale, Didier Findinier a été en 2021 lauréat du concours des pratiques agro-écologiques au Concours général agricole (CGA). Il produit des variétés de blé anciennes et d’herbe dans un système agroforestier. Ses parcelles lui ont permis d’atteindre un équilibre de production. Les arbres produisent du bois et du bois raméal fragmenté (BRF) qui, une fois recyclés au sol, contribuent à réduire le labour.

Plan de relance

D’ici 2022, les plantations devraient se multiplier. En effet, un plan de relance pour les plantations de haies ou d’agroforesterie est lancé cette année, piloté par la Direction régionale de l’agriculture et de la forêt (DRAF) des Hauts-de-France. « Il prévoit jusqu’en 2022 des aides à hauteur de 80 % pour l’achat et l’installation de plants, avec l’objectif de planter 700 km de linaire arboré » signale Alice Dufossé, responsable de l’équipe biodiversité – agroforesterie et forêt de la chambre d’agriculture.

Le choix des espèces destinées à l’agroforesterie ou aux haies voit aussi son approche évoluer. Plutôt que des clones horticoles génétiquement identiques, les projets s’efforcent désormais d’utiliser des végétaux issus de collecte en milieu naturel. Les plants qui sont issus de graines proviennent d’un brassage génétique qui les rend moins fragiles et bien adaptés aux écosystèmes. Ces arbres « indigènes », sont estampillés pour chaque région d’origine, par la marque « Végétal local ». Plusieurs pépinières fournissent ces plants, adaptés aux trois régions écologiques identifiées au nord de la Seine : le Grand Est, les Hauts-de-France-Normandie et le Centre.