Sur les places de marché, la campagne 2022-2023 a déjà commencé. Or, les nouvelles parvenant des grands bassins de production et d’exportations inquiètent. La dernière en date provient d’Inde, annonçant le 16 mai dernier suspendre ses exportations de blé alors que le pays s’était proposé de prendre en partie le relais de l’Ukraine. En jeu, une dizaine de millions de tonnes de grains. Quelques jours plus tôt, la publication du dernier rapport de l’USDA, l’institut américain de statistiques agricoles, avait mis fin à une brève période d’accalmie sur le front des prix. Selon lui, les productions mondiales 2022-2023 de céréales, y compris celle de riz, seraient déficitaires de près de 20 Mt.

À Rouen, le prix de la tonne de blé a alors franchi le seuil de 400 €, puis l’envolée s’est ensuite poursuivie en début de semaine 20 pour atteindre 437 €, le 16 mai dernier. Les cours des autres céréales ont suivi le mouvement (407 €/t pour l’orge).

Impasse

Cette nouvelle flambée des cours traduit l’impasse dans laquelle se trouve l’ensemble de la planète pour nourrir bêtes et populations au cours des douze prochains mois. Aucun pays producteur et exportateur majeur n’est en mesure de réaliser une campagne exceptionnelle pour compenser les baisses de production de ses concurrents.

L’USDA estime la production mondiale 2022-2023 de blé à 774 Mt, alors que la demande mondiale serait de 787 Mt. L’institut fait l’hypothèse que la Russie produirait 80 Mt (+5 Mt sur un an) et le Canada, 33 Mt. Mais l’Ukraine ne récolterait que 21,5 Mt (- 12 Mt).

Cette contraction de l’offre n’affecterait pas les échanges commerciaux appelés à progresser de 4 Mt pour atteindre 205 Mt. La croissance démographique mondiale (2 Mt) et la pénurie de grains au Maroc, confrontées à une sécheresse sans précédent, sont les deux moteurs de cette hausse.

Alors que l’Ukraine et la Russie sont en guerre, les échanges mondiaux de céréales prennent une dimension géopolitique particulière. L’Union européenne produirait 136 Mt de blé et en exporterait 36 Mt en puisant 3 à 4 Mt dans ses stocks. Mais en Chine, la politique de stockage de céréales alimentera l’inflation des cours des céréales, alors que des pays émergents peinent à s’approvisionner. Pour renouveler une partie de ses stocks de blé et de maïs (355 Mt de blé et de maïs), l’empire du milieu en importerait jusqu’à 27 Mt au cours de la prochaine campagne.

Outre les questions de production et de prix, se pose celle de la disponibilité des grains. Toute entrave aux échanges commerciaux conduira à une nouvelle flambée des prix. Par ailleurs, aucun pays occidental n’est à l’abri d’un accident climatique majeur d’ici la prochaine récolte. En France, la sécheresse inquiète. La récolte potentielle de maïs (1180 Mt) serait inférieure de 35 Mt à celle de la campagne qui s’achève. Mais le déficit de production ne serait que de 4 Mt.

Selon l’USDA, le Brésil serait en mesure de récolter 126 Mt (+10 Mt) mais, dans le reste du monde, les récoltes attendues seraient en net repli sur un an : USA, 367 Mt (-6 Mt) ; Ukraine 19 Mt (- 10 à -12M t). Mais moins de maïs serait aussi exporté dans le monde (180 Mt).

Le déficit (4 Mt) attendu de la production mondiale de riz (514 Mt produites) impactera aussi l’équilibre des marchés des céréales. Les importations de la céréale augmenteront (54 Mt ; + 2 Mt). Les stocks de report diminueront. La production de blé déficitaire et onéreuse ne pourra pas servir de relais et compensera le riz produit en moins.

En 2022-2023, seule la production d’orges serait à l’équilibre (148 Mt). Les échanges commerciaux stagneraient d’une année sur l’autre, à 31 Mt. La campagne d’orge sera marquée par les retours du Canada (10 Mt, +3 Mt) et par une excellente récolte russe (19,5 Mt; +2 Mt) mais l’Ukraine (Mt) abandonnera 3 Mt.