Quand on regarde les chiffres des productions de sucre (3,6 Mt), d’alcool et d’éthanol (8,4 Mhl), la filière betterave-sucre contribue indéniablement à la souveraineté alimentaire et énergétique de notre pays. Mieux, elle contribue à l’excédent du secteur agricole français dans notre balance commerciale, à hauteur de 850 M€.

Mais il n’est pas certain que cette belle performance puisse se renouveler dans les années à venir. « Au nom de l’idéologie, va-t-on faire avec notre agriculture la même erreur que nous avons faite avec notre industrie nucléaire qui assurait notre indépendance électrique ? », s’est exclamé le président Franck Sander en clôturant l’assemblée générale de la CGB, le 8 décembre dernier.
Le syndicat des betteraviers a voulu tirer la sonnette d’alarme à la veille de décisions réglementaires, tant européennes que françaises, qui seront lourdes de conséquences.

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Au niveau européen, « la Commission continue obstinément à ne porter aucune ambition en matière de biocarburants conventionnels, alors que les objectifs en matière de climat et d’énergie renouvelable ne cessent d’être revus à la hausse », déplore Franck Sander.

Mais le plus inquiétant, selon la CGB, est le projet de règlement européen “utilisation durable des pesticides“, qui vise à réduire de moitié l’emploi de phytosanitaires d’ici à 2030 et à en bannir l’utilisation dans les zones dites sensibles, comme Natura 2000, les zones vulnérables nitrates, les aires d’alimentation de captage, les parcs naturels… Autant dire l’ensemble des secteurs betteraviers !

« Je le dis ici solennellement, la Commission européenne porte un projet funeste pour toute l’agriculture européenne. C’est une attaque en règle de notre souveraineté alimentaire et énergétique, le tout sans étude d’impact ! C’est aussi la porte grande ouverte à des importations massives des produits agricoles, dont les standards environnementaux seront inférieurs à ceux que nous avons déjà : c’est tout simplement inacceptable ! », s’est insurgé Franck Sander.

Le ministre soutient la dérogation néonicotinoïdes pour 2023

A très court terme et au plan franco-français, c’est bien sûr l’octroi d’une nouvelle dérogation néonicotinoïdes pour 2023 qui focalise toutes les attentions.

Le président du syndicat des planteurs de betteraves a plaidé pour une nouvelle dérogation, qui devra faire l’objet d’un avis favorable du Conseil de surveillance des néonicotinoïdes avant la signature d’un arrêté par le gouvernement au mois de février.

Une position soutenue par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau qui, dans une vidéo diffusée lors l’assemblée générale de la CGB, s’est déclaré favorable à une nouvelle dérogation en 2023. « Une troisième dérogation est à venir – en tout cas je l’espère – et je pense qu’elle sera utile pour lutter efficacement contre la jaunisse en attente de solutions alternatives sur lesquelles nous travaillons beaucoup », a déclaré le ministre.

Cette troisième dérogation est une première étape pour rassurer les planteurs, estime Marc Fesneau. Ensuite il faut réfléchir à des solutions pour 2024 et 2025. « Je comprends les inquiétudes des producteurs de betteraves. Il nous appartient de regarder les pistes, ce que dit la science et l’expérimentation. Il reste 6 mois (NDLR pour que les planteurs prennent leur décision d’assolement 2024), c’est court mais cela nous permet de réfléchir, clarifier les solutions alternatives, regarder s’il y a des impasses et trouver des solutions, pour maintenir notre souveraineté », a expliqué Marc Fesneau.

Prolonger le PNRI

D’ores et déjà, la CGB constate que le Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) ne propose pas d’alternatives efficaces. Cela ne surprend pas Franck Sander : « la recherche avance à son rythme, au rythme du vivant : en 2020, quand il a fallu porter la ré-autorisation des néonicotinoïdes, notre demande était que la loi le permette pendant 5 ans, et non 3 ! », a rappelé le président de la CGB, qui demande de prolonger les financements relatifs au PNRI, en les recentrant sur les projets prometteurs au-delà de 2023.

La CGB demande de continuer à construire une stratégie pour 2024, car les deux prochaines années seront cruciales pour l’avenir de la betterave. Et Franck Sander d’avertir : « à ce stade, nous n’avons pas les garanties suffisantes pour dire que nous pourrons nous passer de néonicotinoïdes après 2023. Si tel était le cas, nous nous exposerions en effet à une forte baisse des surfaces, à la disparition de bassins entiers de production et à de nouvelles fermetures de sucreries. »

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