Le Brésil a beau s’être fait voler la place de premier producteur mondial de sucre par l’Inde en 2021, il n’en reste pas moins le principal bassin de production à suivre pour anticiper les évolutions de marché. Il faut dire qu’il est bien plus excédentaire que son rival indien : 40 % du sucre exporté dans le monde vient du géant sud-américain.

Forcément, la proportion de canne à sucre, qui servira à faire du sucre ou du bioéthanol, lors de l’ouverture de la campagne brésilienne qui débute dans trois semaines, est donc scrutée par les analystes. Les chiffres donnent le tournis : que le pays augmente d’un petit point son pourcentage de canne dédié à l’éthanol, et le bilan mondial sucrier s’en trouve allégé de 0,8 Mt. Ce n’est pas rien quand on sait que l’analyste S&P estime que le surplus mondial sur la campagne en cours devrait avoisiner les 2,7 Mt.

Or, à l’été dernier, Brasilia avait supprimé les principales taxes nationales portant sur les carburants au Brésil, limitant d’autant l’attrait du bioéthanol face à l’essence, pour l’automobiliste brésilien. On était à la veille des élections générales brésiliennes, et il fallait alors soigner le pouvoir d’achat des électeurs. Depuis, tout le monde scrutait ce que le nouveau gouvernement de Lula, entré en fonction en janvier dernier, allait faire : allait-il laisser ces taxes sur l’essence à leur minimum pour soigner le pouvoir d’achat de ses électeurs, ou allait-il rétablir l’incitation fiscale en faveur du bioéthanol, pour permettre au pays d’atteindre ses objectifs environnementaux, réclamés par ses alliés écologistes ?

La décision est tombée le 1er mars dernier, soit un mois jour pour jour avant l’ouverture de la campagne cannière : le gouvernement revient à un système de taxation différenciée visant à encourager le bioéthanol par rapport à son concurrent fossile : 2 cts de BRL/l pour l’éthanol, et 47 cts/l pour l’essence ; une mesure immédiatement saluée par les opérateurs canniers brésiliens.

Les lapins de la discorde
©SEDA

Forcément, cela a permis au sucre brut, qui était déjà en forme, de consolider encore ses gains. Et d’entraîner avec lui le sucre raffiné au-delà de 550 $/t, y compris sur les échéances de l’automne prochain, soit plus de 510 €/t !

De quoi continuer à porter le marché européen. Il a atteint les 624 €/t en décembre dernier, et ne montre aucun signe de faiblesse, d’autant que les surfaces ensemencées actuellement en l’Europe s’annoncent, au mieux, stables…