La plupart des analystes s’attendaient à une hausse des cours du colza en Europe, et c’est précisément le contraire qui vient de se produire, avec un retour à moins de 530 €/t sur les marchés physiques Fob Moselle et rendu Rouen, à la date du 7 mars, contre plus de 550 €/t au cours des semaines précédentes. Les marchés à terme sur Euronext suivent le mouvement, autour de 530 €/t pour les quatre prochaines échéances trimestrielles jusqu’en février 2024. À ce niveau de prix, les producteurs savent que la culture du colza restera rentable, pour peu que les rendements soient au rendez-vous pour la récolte en juillet.

La graine de colza européenne subit assurément la hausse de l’euro, qui rend la production canadienne plus compétitive et dont les importations continuent d’affluer en Europe. Le recul des cours de l’huile de palme à Rotterdam pèse aussi sur les niveaux de prix de l’huile de colza et donc sur la graine en amont. C’est d’ailleurs vrai également pour l’huile de tournesol, attaquée par les niveaux de prix de la production ukrainienne qui parvient à être exportée.

Les marchés restent d’ailleurs suspendus à l’accord entre la Russie et l’Ukraine concernant le transport maritime de leurs céréales à l’exportation, qui arrive à échéance le 18 mars. On voit mal les deux parties renoncer à ces corridors maritimes qui permettent d’alimenter les pays du Moyen-Orient et d’Afrique, et dont les enjeux sont autant politiques qu’économiques. Pour l’Ukraine, les exportations de graines et d’huile de tournesol représentent respectivement 16 Mt et 6 Mt. Pour le colza (2 Mt), les faibles volumes à l’export passent par voie terrestre, principalement à destination des pays européens.

On aurait pu s’attendre à ce que les alertes à la sécheresse en France et dans le sud de l’Europe viennent soutenir les cours, d’autant plus que plusieurs départements sont soumis à des restrictions. Si la sécheresse dure, la question des rendements finira par se poser. Pour l’heure, la météo ne compte pas. Les acheteurs restent les yeux rivés sur les disponibilités de graines de colza sur le marché mondial. Avec un volume de 85 Mt, le plus haut jamais atteint, dont 19,5 Mt en Europe, ils estiment que les outils industriels ont de quoi s’approvisionner.

À l’inverse des cours européens du colza, ceux de la graine de soja échangée à Chicago se raffermissent à plus de 560 $ la tonne, au plus haut depuis le début de la campagne. Les cours sont soutenus par une production mondiale qui pourrait être revue à la baisse, la récolte en Argentine pouvant chuter à 30 Mt contre 45 Mt lors d’une année normale. Si tel était le cas, tous les cours des oléagineux devraient reprendre leur ascension et il serait étonnant que le colza européen reste décroché des marchés mondiaux.