« Le texte sur les NGT va dans le bon sens », ont affirmé d’une même voix la députée européenne Anne Sander, le directeur de SESVanderHave Bruno Dequiedt et le journaliste et auteur Gil Rivière-Wekstein, à l’occasion de l’assemblée générale de la CGB Champagne-Bourgogne, le 5 septembre dernier à Châlons-en-Champagne. Après l’éclairage de Fabien Nogué, un chercheur en génétique de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), via une interview vidéo, chacun des intervenants a éclairé ce propos selon sa propre vision.

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Les NGT ne sont pas une baguette magique à court terme

Bruno Dequiedt, le directeur général de SESVanderHave est aussi satisfait par ce texte, même s’il convient qu’il n’est pas parfait. Mais il prévient : c’est un « superbe outil » mais ce ne sera pas une baguette magique, surtout à court terme, car il faudra du temps pour déployer concrètement ces techniques. En effet, le sélectionneur a rappelé que l’obtention d’une nouvelle variété met du temps, un temps souvent plus long qu’un mandat politique. Autre question qu’a évoquée le semencier : la question de la protection de l’innovation variétale. L’enjeu est de trouver l’équilibre entre une nécessaire rémunération de la recherche, le maintien d’une situation de concurrence entre les semenciers qui évite l’envolée du coût des semences et, enfin, le partage des innovations variétales entre les sélectionneurs qui permet d’accélérer la recherche. Aujourd’hui, l’innovation variétale est protégée par un certificat d’obtention végétal (COV) : seul l’obtenteur peut commercialiser sa variété, mais ses concurrents peuvent l’utiliser pour créer une autre variété. Cette possibilité est réduite si les nouveaux gènes sont brevetés. Pour l’instant, le brevetage des gènes est relativement peu utilisé, mais il est possible que le développement des NGT favorise cette pratique. Bruno Dequiedt invite à une grande prudence sur l’utilisation du brevet et à protéger l’innovation via le COV. Ce débat n’est pas directement compris dans le récent texte de la Commission, mais pourrait bien découler des discussions qui vont avoir lieu dans les mois à venir.

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L’agriculture malmenée à Bruxelles

Le chemin est long avant que ces nouvelles techniques soient autorisées, et tout le monde n’y est pas favorable à Bruxelles. « Les mêmes qui veulent aller très loin sur le Green Deal sont totalement opposés aux NGT, comme ils sont opposés à toute forme de progrès scientifique et d’innovation » dénonce Anne Sander. Selon elle, la commission parlementaire de l’environnement est plus nombreuse et plus puissante que celle de l’agriculture. D’ailleurs, « quand un texte arrive au parlement, tout l’enjeu est de savoir quelle sera la commission compétente. Très souvent, c’est la commission de l’environnement qui gagne le morceau. Dès le départ, les dés sont pipés », a-t-elle expliqué. Même constat à la Commission européenne où le premier vice-président, Monsieur Timmermans, avait une certaine hégémonie sur les sujets agricoles et environnementaux jusqu’à son récent départ. « Nous n’avons pas beaucoup entendu les autres commissaires, et en particulier le commissaire à l’agriculture ». Si le Parlement européen était majoritairement favorable aux textes du Green Deal, les rapports de force sont un peu en train de s’inverser, à l’image du vote très serré sur le texte dit « de la restauration de la nature » en juillet dernier.

Par ailleurs, si elle est claire sur le besoin qu’ont les députés d’être informés, elle dénonce aussi certaines associations, très puissantes et au financement opaque, qui « inondent les boîtes mails au moment des votes pour dire ce qu’il faut voter », avec parfois des textes écrits spécialement pour l’occasion par la Commission européenne elle-même.

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Une usine à gaz

Selon Gil Rivière-Wekstein, la proposition de la Commission européenne reste une bonne nouvelle d’un point de vue pragmatique. Mais, si l’on prend du recul, il estime que ce texte est une « usine à gaz » qui essaie juste de revisiter une directive qui n’a plus lieu d’être. Les NGT devraient simplement rentrer dans le cadre clair qui existe pour la mise en marché des nouvelles semences, qui protège les consommateurs et qui a toujours fonctionné. Mais Gil Rivière-Wekstein explique que, les NGT étant des OGM, c’est-à-dire des variétés qui ont subi des modifications « artificielles » de leur génome, ils sont naturellement soumis à la célèbre directive 2001/18. Cette dernière avait été exclusivement rédigée pour une technique particulière d’OGM, à savoir la transgénèse. « Les autres OGM, comme la mutagenèse, avaient été exclus de la Directive et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a d’ailleurs confirmé que ces techniques développées avant 2001 ne devaient pas être réglementées, car l’expérience a démontré que ces techniques ne posaient pas de problème » a expliqué le journaliste. « Or, si je suis la logique de la CJUE, aujourd’hui, la transgénèse devrait également être exclue puisqu’après plus de 30 ans d’usage, il n’y a jamais eu le moindre souci avec les variétés développées par ces techniques », a expliqué Gil Rivière-Wekstein, qui se demande si le plus simple n’aurait pas été d’abroger une directive qui est obsolète. « À la place, et par faute de courage politique, la Commission propose de mettre en place une nouvelle usine à gaz dans laquelle on a établi un nombre arbitraire de modifications du génome (20 nucléotides) pour créer des catégories différentes de NGT ».

Cyril Cogniard, le président de la CGB Champagne-Bourgogne, qui concluait la table ronde, a rappelé que l’adoption du texte sur les NGT ne pouvait pas se faire en contrepartie d’une diminution de l’usage des produits phytosanitaires, au moins à court terme, comme l’avait envisagé le vice-président de la Commission européenne. « Les NGT feront partie d’un bouquet de solutions. On devra encore activer tous les leviers habituels comme l’agronomie, mais aussi la chimie quand c’est nécessaire ». Par ailleurs, il a confirmé le message de Bruno Dequiedt : « il faut que ces innovations génétiques bénéficient à la société et au plus grand nombre et ne soient pas quelque chose qui soit un trésor pour les entreprises les plus importantes qui auraient les brevets ». L’agriculteur a aussi appelé la recherche publique et l’Inrae à être « non plus au service de la transition écologique seule, mais au service de notre agriculture pour qu’elle mène cette transition », comme cela semble le devenir au travers du PNRI. Enfin, il a appelé à faire preuve d’audace et de pédagogie en rappelant, à la suite de Gil Rivière-Wekstein, que si les opposants au NGT sont très efficaces, ils sont très peu nombreux.

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