Les cours des céréales ne peuvent pas durablement être inférieurs aux coûts de production des pays exportateurs de grains. La production mondiale de céréales, toutes catégories confondues (2 295 millions de tonnes -Mt), est équivalente à celle de la campagne 2021-2022. Or, les cours étaient plus élevés qu’actuellement et les coûts de production, bien plus faibles.

Le prix de la tonne de blé est resté globalement stable ces quinze derniers jours (autour de 227 €/t) et celui de l’orge a perdu 10 €/t. Quant au maïs, la tonne vaut à peine plus de 200 € ! Mais dans les différents bassins, la production récoltée est abondante et conforme aux prévisions. En Ukraine, la moisson se déroule dans des conditions optimales, le taux d’humidité moyen des 28 Mt de maïs engrangées est de 14-15 %, selon UkrAgroConsult.

Aussi, la Chine peut compter sur le Brésil et l’Ukraine pour s’approvisionner en maïs comme elle l’entend (en jeu l’achat de 22 Mt), alors que l’Union européenne (UE) importe quasiment moitié moins de grains.

L’Ukraine tente de s’affranchir du marché européen, auquel elle a accès depuis le début de la guerre. Même si ses céréales ne font que transiter, leur circulation suscite une animosité croissante dans les pays d’Europe centrale.

Le trafic maritime sur le nouveau corridor côtier de la mer Noire s’intensifie, bien que le risque de bombardement demeure. Par ailleurs, le port de Constanta en Roumanie affirme sa prédominance. De plus en plus de grains arrivent par barges, avant d’être expédiés par cargos. En amont, le canal de Sulin, principal défluent du Danube, sera prochainement ouvert 24/24, lorsque les travaux d’aménagement financés par l’UE seront achevés (15 M€).

En attendant, « le temps sec dans différentes régions du globe productrices de céréales et l’offre réduite de grains qui en découlera, affecteront les marchés agricoles dans un proche avenir », annonce Sergey Feofilov, fondateur d’UkrAgroConsult. Un retournement de conjoncture n’est pas à exclure.

Du reste, la faiblesse de l’euro rend les grains européens plus attractifs. Et en Russie, le prix plancher FOB de 270 dollars ($) de la tonne de blé, imposé par le Kremlin, affaiblit sa compétitivité à l’export, selon le site Sovecon.ru. L’export faiblit.

Le riz flambe

Sur le marché mondial du riz, la situation est déjà très tendue. En Inde, le prix de la tonne de riz a atteint 525 $, et même 625 $ au Vietnam.

En fait, l’Inde anticipe la pire production depuis huit ans, en raison d’une mousson déficitaire en pluies. Aussi, le premier pays exportateur de riz au monde (22 Mt en 2021, 50 % du marché mondial) a décidé, l’été dernier, de taxer ses exportations pour préserver son marché intérieur.

Habituellement, le fonctionnement du marché mondial du riz est très hermétique, peu lié aux soubresauts des cours des autres céréales. Mais lorsque le prix du riz flambe, certains pays importateurs substituent la céréale par du blé, de l’orge ou du maïs meilleur marché. Ce qui impacte, par ricochet, leurs cours.

Dans l’hémisphère sud, les perspectives de productions s’assombrissent, en Australie notamment, où l’El Niño est très intense. Ses agriculteurs savent déjà qu’ils vont produire 25 Mt de blé à perte (-15 Mt sur un an). En Amérique du Sud, l’Argentine n’en finit pas de lutter contre la sécheresse, alors que les cultivateurs sèment le maïs. Et au Brésil, les conditions d’implantation de la céréale sont loin d’être optimales : trop de pluies dans certaines régions, pas assez dans d’autres.

« En Ukraine, la rentabilité de la production de grains pourrait conduire les agriculteurs à réduire les superficies emblavées en cultures d’hiver », affirme Sergey Feofilov d’UkrAgroConsult. Toutefois, la faiblesse des cours est une opportunité pour développer une industrie de première transformation (minoterie, éthanol, élevage porcin) et pour conquérir de nouveaux marchés à l’export.

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