L’actualité avait tout pour faire grimper les cours. Avec le raid du Hamas contre la population israélienne, les bombardements sur Gaza en représailles, les risques d’embrasement du Moyen-Orient étaient élevés. Ils auraient pu provoquer une flambée des cours du pétrole, entraînant celle des huiles et des graines oléagineuses. Les prix du brut ont bien grimpé, mais de manière limitée. À 88 $ le baril de brent, contre 84 $ avant le drame israélo-palestinien, les cours n’ont pas rejoint le plus haut du mois d’octobre à 95 $.

Les cours ont donc été orientés par une cause moins tonitruante : les quantités disponibles très élevées. La récolte européenne de colza est très abondante, à plus de 20 millions de tonnes. Aux pays leader comme la France et l’Allemagne (4,2 Mt de graines de colza collectées chacun), s’ajoutent d’autres pays comme la Roumanie (2 Mt) ou la Tchéquie (1 Mt). Tous les pays européens sont devenus producteurs de colza, et il faut encore ajouter les 4 Mt de production ukrainienne.

Il n’y a donc pas loin de 25 Mt de graines européennes à écraser pour faire de l’huile et des tourteaux, un volume qui explique sans doute les glissements des prix à 423 €/t, contre 442 €/t quinze jours auparavant. Le plancher des 400 € sera-t-il atteint ? Pas sûr, compte tenu des faibles récoltes au Canada et en Australie. Mais sur Euronext, les échéances de 2024 sont à la baisse.

Le recul est encore plus marqué pour le tournesol, qui vient de crever le plancher des 400 €/t à la baisse, à 390 €/t. Là encore, les disponibilités pèsent sur les prix. L’Europe à 27 a produit plus de 10 Mt de graines, un record, avec des fortes hausses de production de la Hongrie et de la Roumanie à plus de 2 Mt, comme en France. Mais il y a aussi l’énorme production ukrainienne à venir, d’environ 15 Mt.

Une grande part de celle-ci est exportée sous forme d’huile, compte tenu des restrictions imposées par les pays limitrophes à l’exportation de grains, et aussi pour des raisons de logistique, alors que les navires peuvent difficilement circuler sur la mer Noire. Logique : “il est plus avantageux de charger 10 navires par mois de 60 000 tonnes d’huile que 80 navires de 60 000 tonnes de céréales”, explique un exportateur. L’an dernier, l’Ukraine a exporté 6 Mt d’huile de tournesol.

Enfin, les cours du soja sont aussi en berne. L’Europe en produit de plus en plus, près de 4 Mt, et l’Ukraine 4 Mt. Mais c’est une goutte d’eau par rapport à la production mondiale de 400 Mt, dont 150 Mt pour le Brésil et 120 Mt pour les États-Unis. La production brésilienne bat des records à l’export, ce qui pèse sur les cours du soja à Chicago, tombés à 460 $. La demande est stable, les stocks augmentent. Tous les oléagineux sont donc traités à la même enseigne, à la baisse, et la situation pourrait bien durer.

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