Les nouvelles techniques génomiques (NGT), qu’est-ce que c’est ?

« Ce terme regroupe deux grandes stratégies de modification du génome. La première, c’est la mutagénèse dirigée, c’est-à-dire la mutation ciblée d’un gène dans un génome, via notamment le ciseau moléculaire crispr-cas9. Les mutations ciblées vont permettre de changer une séquence spécifique d’ADN et ce, sans insérer de matériel génétique nouveau.

La deuxième, c’est la cisgénèse. C’est le fait de prendre un gène issu d’une variété A de blé par exemple, et de l’insérer dans une variété B, de blé également. Pour qu’on puisse considérer que c’est de la cisgénèse, les deux variétés doivent pouvoir se croiser naturellement, à la différence de la transgénèse. Selon moi, les plus gros développements iront surtout vers l’utilisation de la mutagénèse dirigée. On a beaucoup d’exemples de mutagénèse dirigée dans le cadre de la création variétale, mais moins pour la cisgénèse. »

Dans le cadre du débat actuel, est-ce qu’il vaut mieux parler de NBT, de NGT ou d’édition génomique ?

« Selon une définition donnée en 2011, les NBT rassemblent un ensemble de techniques, parmi lesquelles il y avait ce qu’on appelle maintenant les NGT. Si on regarde ce qui est resté depuis 2011 et qui a montré une utilité pour les sélectionneurs, c’est surtout la mutagénèse dirigée et la cisgénèse, c’est-à-dire les NGT. Maintenant, le dernier document publié par la Commission européenne concerne les NGT et pas l’ensemble des NBT. Pour ce qui est de l’édition génomique, c’est la même chose que la mutagénèse dirigée. »

Quelle est la différence avec la transgénèse ?

« C’est une question très importante en terme de gestion des risques. En transgénèse, on va apporter une fonction totalement nouvelle dans la nouvelle variété, comme avec le transgène Cry1 présent dans le maïs Bt par exemple. Dans le cas des NGT, la fonction apportée à la plante aurait également pu l’être par sélection classique ; la plante en question avait déjà en elle le potentiel de cette fonction car le gène est déjà là. Soit on l’apporte d’une variété vers une autre variété, soit on le modifie. Mais cette fonction est déjà potentiellement présente. »

Est-ce que les nouvelles variétés qui pourraient être obtenues via les NGT présentent des risques supérieurs aux variétés classiques ?

« Sur les risques associés aux NGT, un document à la rédaction duquel j’ai participé a été produit par l’Efsa. Il montre que les mutations générées avec les NGT sont exactement de même nature que celles qui apparaissent spontanément dans une variété conventionnelle. Ce que fait le système crispr-cas9, c’est de casser l’ADN à un endroit précis dans le génome : il y a d’autres sources de cassures de l’ADN comme les rayonnements UV ou la réplication de l’ADN au cours du cycle cellulaire qui sont également générateurs de mutations. Il n’y a aucune raison de penser que les mutations générées par le ciseau moléculaire ne pourraient pas exister à l’état naturel. De ce fait, les risques associés à ces NGT sont exactement de la même nature que ceux qui sont associés à la sélection conventionnelle. Cela ne veut pas dire que l’on n’aura pas d’événement inattendu, comme des réarrangements de l’ADN. Mais ils sont de même nature que ceux qui peuvent arriver naturellement. »

Dans le cas de la betterave, et de la lutte contre la jaunisse, que peut-on attendre ?

« L’édition de gène a montré son utilité pour apporter une résistance à un pathogène. Par exemple, avec des collègues de l’Inrae d’Avignon, nous avons pu montrer récemment qu’en mimant une mutation qui préexistait dans des tomates sauvages, on était capable d’apporter une résistance au virus PVY pour une tomate cultivée. Ce virus fait également des dégâts auprès de la pomme de terre, ce qui permet d’envisager d’apporter de la même manière cette résistance sur cette culture. On pourrait imaginer ce type de stratégie pour la betterave, à savoir modifier un gène de la plante hôte qui serait essentiel au développement du virus, pour essayer de générer des résistances. Pour arriver à cela, il y a pas mal d’étapes à franchir. La première étant une bonne compréhension du système viral ainsi que du puceron, son vecteur : comment le ou les virus infectent-ils la betterave ? Quel est leur cycle de reproduction ? Une fois que l’on a acquis les informations suffisantes, on peut envisager d’essayer de créer des résistances. Attention, il faudra que ces résistances soient durables, sinon elles seront contournées. De plus, il faudra que l’utilisation de la génétique aille de pair avec d’autres stratégies de lutte contre le virus (pratiques culturales…). Les NGT pourront potentiellement nous permettre de lutter contre la jaunisse, mais pas seules et pas tout de suite. »

Les NGT n’ont donc rien à voir avec la transgénèse. Mais sont-ils des OGM ?

« Oui, les plantes issues d’une technologie NGT sont classées comme OGM au sens défini par la directive européenne 2001/18. C’est également le cas des plantes produites par mutagenèse classique (par irradiation ou par mutagène chimique) qui, selon la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, représentent environ 3 400 variétés provenant de 70 pays, couvrant plus de 200 types de cultures différentes à l’heure actuelle. Mais le texte qui est actuellement discuté à Bruxelles vise à exclure une partie des variétés issues de NGT, les NGT1, de la directive OGM, comme le sont déjà les plantes issues de mutagénèse classique. Dans les deux cas, les gènes modifiés sont déjà présents dans la variété végétale, c’est là la différence essentielle par rapport aux variétés transgéniques, également classées OGM. »

> L’entretien en vidéo

> À lire aussi : NGT : L’épineuse question de la propriété intellectuelle. (24/11/2023)

> À lire aussi : Le texte sur les NGT est en bonne voie (24/11/2023)

> À lire aussi : « Le texte de la Commission sur les NGT va dans le bon sens » (15/09/2023)