« Nous souhaitons protéger l’innovation variétale sans la confisquer pour maintenir l’intensité de recherche des semenciers », affirme Rémi Bastien, le vice-président de l’Union française des semenciers (UFS). L’enjeu de la propriété intellectuelle pour les semenciers est en effet de rémunérer l’investissement en recherche et développement tout en favorisant la recherche et les progrès de la sélection variétale. Pour les agriculteurs, l’enjeu est aussi de maintenir une concurrence qui puisse garantir des prix de semences abordables. Si la privatisation du vivant inquiète les opposants à la légalisation des NGT comme la Confédération paysanne ou certaines ONG, la question des brevets ne laisse pas indifférents les semenciers eux-mêmes.

Certificat d’obtention végétal (COV) et brevet

Comment l’innovation variétale est-elle protégée, et donc financée, aujourd’hui ? « Il faut bien distinguer le COV et le brevet », explique Rémi Bastien. Le COV vise à protéger une variété en réservant la commercialisation à son créateur tout en permettant aux autres sélectionneurs de l’utiliser comme matériel de recherche pouvant aboutir à la création de nouvelles variétés. C’est ce qu’on appelle « l’exemption du sélectionneur », explique-t-il en rappelant l’attachement de l’UFS à cette particularité européenne. Bien entendu, la nouvelle variété qu’un sélectionneur obtiendra à la suite de son travail de recherche, et qu’il commercialisera, doit être différente de celle qu’il a empruntée à son concurrent.

Le brevet vise à protéger des innovations comme des technologies, des caractères ou des marqueurs génétiques ; la commercialisation de l’innovation brevetée appartient à son créateur. Un sélectionneur ne peut pas utiliser la découverte d’un autre sans son accord et sans contrepartie financière. Pour l’Office européen des brevets (OEB), les caractères issus de la mutagénèse aléatoire et des NGT sont brevetables à condition qu’ils soient « nouveaux » et « inventifs ». En revanche, les nouveaux caractères issus de la sélection classique ne sont pas brevetables.

Les deux demandes de l’UFS

« Nous voulons nous assurer que l’exemption du sélectionneur soit garantie, y compris sur une variété qui abrite un caractère breveté, et le réaffirmer dans la législation », explique Rémi Bastien en admettant qu’il y a aujourd’hui un flou juridique sur cette question. En effet, l’UFS est favorable au brevetage des caractères obtenus grâce aux NGT, mais, comme pour le COV, elle souhaite que le brevet de caractères n’empêche pas les semenciers de travailler sur la variété qui le porte. Charge à ce dernier d’acheter la licence du gène breveté ou de faire disparaître le caractère du produit commercialisé.

« C’est pour cela que la Commission européenne a la volonté de publier une étude à horizon 2026, sur les impacts de l’arrivée des NGT au niveau de l’office des brevets ». Une étude qui serait peut-être suivie d’une évolution de la réglementation si besoin. Et Rachel Blumel, la directrice de l’UFS complète : « la plupart des États membres demandent que cette démarche soit plus rapide ». Par ailleurs, l’UFS demande que les caractères obtenus via la mutagénèse aléatoire (aujourd’hui autorisée) ne puissent pas être brevetés.

À noter que, selon George Freyssinet, le président de l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV), il devrait y avoir relativement peu de brevets sur ces variétés en raison du coût et de la lourdeur des dossiers.

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