Le prix de la tonne de grains n’a jamais été aussi faible depuis des mois. Les pays importateurs de blé font donc de bonnes affaires cet hiver, la Chine en tête. Le premier pays importateur au monde de grains achètera 12,5 millions de tonnes (Mt) de blé d’ici la fin de la campagne 2023-2024 !

Les conditions de culture des céréales d’hiver, satisfaisantes aux États-Unis et en Russie, rassurent les marchés. Mais tous les indicateurs ne sont pas au vert. La superficie de blé d’hiver est inférieure de 1,8 % par rapport à l’an passé dans l’Union européenne (UE) et de 5,1 % en Ukraine. Le potentiel de production de ces céréales est déjà altéré !

En Chine et en Australie, les conditions météorologiques des mois passés impactent leurs échanges commerciaux de blé, aussi bien à l’import qu’ à l’export. En Chine, les précipitations survenues l’été dernier dans la province du Henan ont détérioré la qualité d’une partie du blé récolté.

Le préjudice porte sur 4 Mt de grains. En conséquence, l’Empire du milieu devra importer plus de blé meunier qu’envisagé avant la dernière récolte pour ne pas avoir à ponctionner ses stocks d’ici la fin du mois de juin prochain.

Mais la Chine ne pourra pas acheter 7,8 Mt de blé à l’Australie (soit 60 % des quantités importées en 2023) comme l’an passé, car l’Ile continent n’a récolté que 25 Mt de blé, soit 10 Mt de moins qu’en 2022. Et ne pouvant en exporter que 22 Mt (-10 Mt sur un an), elle ne contentera pas tous ses clients. Aussi, la Chine est contrainte de s’approvisionner auprès d’autres pays. Or, depuis quelques années, elle n’importe quasiment plus de blé étasunien, trop cher à l’achat. Et elle ne compte pas sur l’Union européenne et le Canada pour lui vendre les quantités de blé dont l’Australie ne dispose plus.

Un redéploiement stratégique

La Chine s’approvisionne donc massivement au Kazakhstan et en Russie, pays avec lesquels elle partage des frontières communes. Jusqu’à un passé récent, la qualité du blé kazakh ne répondait pas aux critères requis par les importateurs chinois et les restrictions imposées au blé russe rendaient toute transaction commerciale impossible. Mais nécessité fait loi ! La Chine a revu à la baisse son niveau d’exigence.

Au cours des trois premiers mois de la campagne, le Kazakhstan a déjà expédié 300 000 tonnes de blé vers la Chine, alors qu’aucun grain n’avait été vendu l’an passé, selon l’USDA, le département de l’Agriculture des États-Unis.

Le transport des grains est dorénavant facilité par l’aménagement de la gare frontalière d’Alashankou et le gouvernement chinois subventionne le transport ferroviaire.

Avec la Russie, les échanges commerciaux ont décollé une fois les restrictions commerciales levées. Le blé russe est très compétitif et l’ancien empire des tsars peine à écouler ses 50 Mt de grains exportables disponibles en début de campagne.

Par ailleurs, un accord commercial signé avec une société d’exportation russe, EPT, prévoit l’acheminement de 70 Mt de céréales, d’oléoprotéagineux et de légumineuses au cours des douze prochaines années. En conséquence, le 1er pays exportateur de blé au monde a dorénavant comme partenaire commercial le 1er pays importateur au monde de grains.

Dans l’UE, la Chine ne fait pas partie du top 5 des pays destinataires du blé exporté vers des pays tiers. Sur les 14 Mt expédiées, environ 4,3 Mt ont été livrées au Maroc, en Égypte et en Algérie (au 19 décembre 2023). Mais la Chine a acheté les deux tiers de l’orge européenne exportée à des pays tiers (2 Mt sur les 3 Mt expédiées) depuis le début de la campagne de commercialisation. Toutefois, l’UE et la Chine sont en concurrence sur le marché mondial du maïs pour importer les 47,5 Mt grains dont elles ont besoin. À elles deux, elles concentrent un quart des échanges mondiaux !