« Cette campagne, en céréales d’hiver, on va avoir tous les cas de figure en termes de semis, de stratégie de désherbage et de calendrier des interventions ! », précise Ludovic Bonin, responsable du pôle Flores adventices Arvalis. Comme à l’automne, les abondantes pluies et la douceur de début janvier bousculent à nouveau le calendrier des travaux.

Toutefois, techniquement, sur ce premier mois de l’année, le désherbage des céréales reste possible avec les herbicides de post-levée précoce. Habituellement, ils sont appliqués à l’automne sur le blé tendre d’hiver dans le cadre de programme : Fosburi + Defi ou Defi + Compil ou chlortoluron + Compil. « D’un point de vue réglementaire, leur autorisation d’emploi est désormais valable sur une culture semée en janvier », précise Ludovic Bonin. En effet, dans le catalogue des usages phytopharmaceutiques paru au Bulletin officiel du ministère de l’Agriculture d’août 2023, une phrase spécifie qu’une culture est considérée de printemps si elle est semée après le 1er février. Auparavant, le 1er janvier marquait ce basculement.

Si les températures sont gélives, éviter de traiter

« Le facteur limitant pour utiliser les herbicides concerne plutôt les conditions météorologiques », poursuit l’ingénieur. En effet, si le mois de janvier se rafraîchit fortement, les plantules de blé s’affaiblissent. Alors, mieux vaut ne pas trop stresser la culture avec un traitement phytosanitaire. De plus, la levée risque de se dérouler sur une période beaucoup plus longue. Pour les semis très tardifs, l’atteinte du stade 1 à 2 feuilles de la culture, nécessaire à une intervention avec un programme herbicide de post-levée précoce, n’est pas non plus garantie avant la fin janvier.

En revanche, si les températures conservent de la douceur en début d’année, des graminées peuvent se développer. « Nous avons eu des cas où un blé semé fin novembre s’est retrouvé envahi de ray-grass, un vrai gazon », témoigne Ludovic Bonin. Pourtant, la parcelle a bénéficié du levier agronomique « décalage de la date de semis » ! Vigilance donc, quelle que soit la situation. D’autant que le changement de climat semble modifier la dynamique de levées des vulpins : « elles seraient plus longues, partage Ludovic Bonin. Même les semis tardifs de décembre ne sont pas épargnés, alors si en plus un problème de résistance aux herbicides de sortie d’hiver est diagnostiqué, le désherbage chimique devient très difficile ».

Conserver la sécurité qu’apporte le désherbage d’automne

Autre cas de figure qui appelle à la prudence : celui des situations avec des semis effectués tôt, début octobre, juste derrière les premiers arrachages de betteraves par exemple. Des cultures ont certainement reçu un herbicide de pré-levée. Toutefois, les pluies ont ensuite empêché toute intervention en post-levée. « Conséquence, si la parcelle apparaît sale début janvier, il faut, sans tarder, programmer un rattrapage de type post-levée précoce, dès que les conditions météo le permettent, ajoute l’ingénieur. L’objectif est de bénéficier de l’efficacité qu’apporte habituellement le désherbage d’automne ». Si les adventices tallent, leur élimination est plus difficile en sortie d’hiver.

Dans ce cadre, la clé de décision du programme herbicide se raisonne en fonction du stade de la culture. En janvier, si le blé n’a pas dépassé le stade 1-2 feuilles céréales, alors il est encore temps d’appliquer un Fosburi + chlortoluron ou tout autre programme avec un herbicide racinaire de post-levée précoce. Seule condition pour guider le choix : ne pas revenir avec le même produit utilisé en pré-levée afin de prévenir le risque de résistance.

Stade 3 feuilles du blé en janvier, l’option ALS

Toutefois, si le stade 3 feuilles est atteint en janvier, alors le choix s’oriente vers les herbicides de la famille des sulfonylurées au mode d’action foliaire et racinaire : Kalenkoa (mésosulfuron + iodosulfuron + diflufénicanil ) et Othello. « Ils s’emploient sur les populations de graminées adventices qui ne sont pas résistantes aux ALS », complète Ludovic Bonin. L’application de ces herbicides nécessite des conditions météo bien particulières : « on peut les mettre en janvier en l’absence de gelée matinale. De plus, des températures légèrement montantes doivent être annoncées pendant la semaine suivant l’application », souligne l’expert. Exemple : l’intervention est possible avec des températures de 0°C le matin et 5° C l’après-midi, et si un léger radoucissement progressif survient les cinq jours suivants.

Rattrapage mi-février

Enfin, si aucun désherbage chimique ne peut s’envisager en janvier, le rattrapage en sortie d’hiver doit jouer pleinement son rôle. Là encore, il se pratique si les vulpins et les ray-grass se révèlent sensibles au mode d’action des herbicides ALS. Dans ce cas, Arvalis recommande de passer le plus tôt possible, mi-février avec Atlantis, Archipel, Axal ou Abac. Début mars devient la date limite de leur positionnement. Toutefois, en cas de dicotylédones, les passages avec Zypar, Allié /Duo sont réalisables jusqu’à mi-mars.