Trois ans après avoir repris contact avec l’Inde, la Commission européenne semble vouloir accélérer les négociations concernant la conclusion d’un accord de libre-échange. Les discussions, démarrées en 2007, avaient été interrompues pendant près de dix ans en 2013, avant d’être relancées. Désormais, dans un contexte géopolitique bouleversé et tendu, l’Union européenne souhaite trouver de nouveaux partenaires et diversifier ses relations commerciales, afin de « mener une nouvelle politique étrangère économique ».
Actuellement, l’Inde dispose d’un accès préférentiel au marché européen pour le sucre, grâce à un contingent à droits de douane nuls. Celui-ci s’élève à 5 841 tonnes. Avant le Brexit, son volume était quasiment deux fois supérieur (10 000 tonnes), l’Angleterre étant un importateur historique de sucre en provenance de son ancienne colonie. « De 2017 à 2023, le contingent accordé à l’Inde était presque intégralement rempli à chaque campagne. Ainsi, quel que soit le niveau du prix du sucre dans l’UE, y compris lorsqu’il était bas comme pendant la campagne 2018-2019 (319 €/t), l’Inde a eu la capacité d’exporter du sucre », explique une étude réalisée conjointement par l’Association de recherche technique betteravière (ARTB) et le cabinet ABCIS pour le compte du ministère de l’Agriculture, dont un article de synthèse a été publié en juillet 2025. Pour l’heure, aucun contingent précis n’est prévu pour le sucre, dans le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et l’Inde. Le sujet devrait être traité en fin de négociations, mais la filière demande d’ores et déjà à ce que le sucre soit exclu, comme c’est le cas dans l’accord qui vient d’être signé avec l’Indonésie.
Plus de risques que d’opportunités pour l’UE
Le marché mondial a longtemps été un débouché de dégagement pour l’Inde, qui n’hésite pas à vendre son sucre à perte, pour limiter l’effondrement des prix intérieurs en cas d’offre dépassant la demande. Des subventions ont ainsi régulièrement été allouées par l’état indien pour exporter, ce qui a conduit ce dernier à recevoir une condamnation de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2021. Bien que fortement dépendante des conditions météorologiques et des évolutions de surface, la production de sucre indien augmente régulièrement (+ 5 % attendus entre 2021 et 2031 selon l’ARTB, soit 21 Mt), Le marché européen étant très attractif car rémunérateur, la filière sucre française se montre vigilante sur le sujet. D’autant que l’Inde aurait une marge de manœuvre pour accroître encore ses capacités d’exportation : elle pourrait rogner sur sa fabrication d’éthanol, qui stabilise déjà les excédents de production de canne. Selon l’ARTB, la conclusion d’un accord avec l’Inde pourrait représenter un risque pour les filières betteravières et sucrières européennes : « les sucreries ayant besoin de maintenir un seuil de production minimum afin d’être rentables, des importations indiennes additionnelles menaceraient des bassins de production entiers. Par ailleurs, la possibilité d’intégrer des sucres spéciaux (ex. sucre de canne) dans un tel contingent pourrait affaiblir la production des régions françaises d’outre-mer, premier fournisseur sur ce marché européen de niche. »
Pour retrouver l’article de synthèse de l’étude, centré sur la viande bovine et le sucre, cliquez ici.