Les premières démarches menées au sein de l’exploitation visaient à favoriser la présence d’auxiliaires par la mise en place de bandes fleuries et par des lâchers de chrysopes. « C’était une évidence de rejoindre les travaux du PNRI, car nous menions déjà plusieurs essais en dehors du programme. Cinq bandes fleuries structurent notre parcellaire. Au total, la ferme consacre environ 1,5 hectare à ces aménagements. Elles favorisent la biodiversité en offrant des habitats pour les auxiliaires et pollinisateurs, mais leur efficacité contre les pucerons reste limitée à une proximité immédiate. Les bénéfices sont donc difficiles à quantifier. Pour un effet uniforme, un nombre important de bandes fleuries intercalées dans les champs de betteraves serait nécessaire, ce qui serait complexe à mettre en œuvre. De plus, les bordures se salissent rapidement (ray-grass, chardons), ce qui exige un désherbage régulier. »

Depuis trois campagnes, l’exploitation teste également les granulés Agriodor, un produit de biocontrôle agissant comme répulsif contre les pucerons grâce à la diffusion d’allomones. Les épandages, réalisés à deux dates définies par l’ITB à l’aide d’un épandeur Delimbe, sont suivis de comptages réguliers pour mesurer l’effet sur les populations de pucerons. « Les produits de biocontrôle peuvent donner de bons résultats certaines années, et moins d’autres », observe Paul Delacour, qui souligne aussi le coût élevé du dispositif. Les résultats 2025 n’ont pas montré d’effet significatif sur les pucerons.

L’exploitation profite par ailleurs d’un accompagnement technique rapproché. « L’équipe régionale de l’ITB vient régulièrement pour les relevés. C’est un vrai suivi que nous ne pourrions pas assurer seuls. Et lorsqu’on a une question, les techniciens sont disponibles et très compétents. C’est formateur pour nous, agriculteurs. »

En parallèle des essais PNRI, la ferme poursuit d’autres expérimentations : des biostimulants pour améliorer l’activité biologique du sol, et cette année un test de produit foliaire à base de lombricompost. « Nous essayons d’intégrer progressivement des pratiques qui renforcent la résilience des cultures », précise-t-il.

Au-delà de sa ferme, Paul souligne l’intérêt du programme : « Le PNRI regroupe des exploitations réparties dans des territoires variés. Cela permet de comparer et d’évaluer au mieux les protocoles, et d’adapter les stratégies aux besoins spécifiques de chaque région. C’est aussi l’occasion de partager des pratiques culturales différenciées selon les contextes locaux. »

Ces partages d’expérience, associés au suivi technique, contribuent à faire émerger de nouvelles pistes pour une protection de la betterave plus durable, malgré une recherche d’alternatives encore complexe.

Des expérimentations pluriannuelles pour évaluer l’efficacité des leviers dans différentes conditions expérimentales

Audrey Fabarez, Coordinatrice des expérimentations du PNRI-C

Dans le cadre du PNRI (2021-2026), l’évaluation des leviers alternatifs contre la jaunisse de la betterave repose sur des expérimentations pluriannuelles et multisites, permettant d’estimer leur efficacité dans différentes conditions climatiques et niveaux de pression en pucerons vecteurs. Chez M. Delacour, les allomones sont testées pour la troisième année consécutive. Les deux premières années, trop peu de pucerons ont été observés dans les parcelles pour pouvoir évaluer ce levier dans de bonnes conditions. Cette année, une pression plus forte a été observée, avec une apparition des premiers pucerons le 24 avril, soit une semaine après l’application des allomones. Néanmoins, aucune réduction significative des pucerons n’a été constatée dans cet essai. L’approche pluriannuelle, croisée avec des essais implantés dans différentes zones betteravières, permettra-t-elle de mieux comprendre les conditions de performance des leviers ?