L’Europe croule sous une production pléthorique (27,3 millions de tonnes, dont 8,5 Mt en France) (1), y compris dans les états membres structurellement importateurs : l’Espagne (2,16 Mt ; + 9,4 % versus 2024), l’Italie (+ 5 %) et le Portugal qui réduisent tous leurs emplettes.

Au cours des deux premiers mois de la campagne de commercialisation, qui a débuté le 1er août dernier, la France n’a expédié que 350 000 tonnes de tubercules (- 10 % versus 2024). En valeur, les ventes (78 M€) ont diminué de 33 %.

« Le marché européen de la pomme de terre est figé, sans perspectives de redressement des prix en vue, déplore Alain Dequeker, administrateur à l’UNPT. Les planteurs, qui ont massivement investi ces dernières années, vont finir la campagne de commercialisation avec des pertes pouvant atteindre 8 à 10 000 €/ha de pommes de terre ».

Lots refusés

Évidemment, les tubercules contractualisés destinés à la transformation seront payés aux prix convenus. Mais les entreprises ne fonctionnent pas toutes à pleine capacité et sont très exigeantes avec leurs producteurs sur la marchandise livrée. Certains lots sont refusés.

En fait, la consommation française de frites faiblit et, à l’export, la vigueur de l’euro les rend moins compétitives.

Faute d’affaires, le marché libre de la pomme de terre est en pleine déroute. Les pommes de terre Agata de très bonne qualité peuvent se vendre 170 € la tonne. Mais les tachées ou les abîmées ne sont pas prêtes à trouver preneur. Même à 40 € la tonne !

Sur le marché de la pomme de terre de conservation, la demande n’est pas non plus au rendez-vous, malgré les opérations commerciales lancées régulièrement à l’initiative des fournisseurs et du négoce.

« La conjoncture ne permet plus de payer la qualité. Certaines enseignes mettent en concurrence des tubercules de qualité, cultivés selon un cahier des charges strict, face à des pommes de terre en promotion à des prix abusivement bas, relate Alain Dequeker. Et leurs prix sont parfois indexés sur les cours baissiers des marchés ! »

Enfin, personne ne sait comment les industriels vont achever leur campagne. À la fin de l’année, ils pourraient être tentés d’imposer des contrats de la campagne 2026 avec des prix en baisse s’ils anticipent une fin de saison avec des stocks massifs.

Quoi qu’il en soit, la surface de pommes de terre doit baisser dans tous les bassins de production le printemps prochain. Mais alors, que produire ? De nombreuses filières « grandes cultures » sont excédentaires avec des prix en berne !

Il faut remontrer à 2014 pour revivre le marasme dans lequel est plongé l’ensemble de la filière pomme de terre. C’est en Russie qu’il faudrait exporter des tubercules. Le pays en manque. Mais dans le contexte géopolitique actuel, l’accès à ce marché est inimaginable. Les Pays-Bas dégageraient une partie de leurs excédents dans des pays tiers, mais ils ont toujours eu des relations commerciales avec ces pays. On ne crée pas une filière export d’un claquement de doigt pour désengorger un marché excédentaire.

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(1) Estimation CNIPT