La campagne 2025-2026 marque un tournant dans l’histoire de la filière sucre. Les deux derniers groupes industriels familiaux, situés en Seine-et-Marne, ont annoncé la cessation d’activité pour l’un (Ouvré fils à Souppes-sur-Loing) et la vente à Cristal Union pour l’autre (Lesaffre à Nangis). Il ne reste plus que trois groupes sucriers en France. C’est la fin d’une époque !
Un bon rendement, en deçà du potentiel exceptionnel
Des semis très précoces et une météo optimale dans la plupart des régions tout au long du cycle de végétation permettent d’envisager un rendement moyen de 91 tonnes à 16°S, au-delà du rendement olympique 5 ans (80 t/ha), mais bien en deçà du potentiel. La jaunisse a encore sévi dans plusieurs régions, conduisant à une grande variabilité des rendements. Dès le mois de septembre, la CGB a écrit à la ministre de l’Agriculture pour demander une indemnisation des pertes jaunisse.
Malgré ce sursaut de 2025, le rendement olympique 5 ans (qui inclut les 91 t/ha) est d’environ 83 t/ha, soit 6 t/ha de moins en 7 ans ! Les causes de cette baisse sont connues : des moyens de production toujours plus contraints, le dérèglement du climat (trop ou pas assez d’eau), la pression sanitaire et des variétés sélectionnées sur les tolérances aux maladies pour pallier les manques de produits phytosanitaires.
Une rentabilité mitigée, malgré les bons rendements
Les prix sont annoncés en baisse, alors que les coûts de production restent élevés, proches de 2 900 €/ha (+ 32 % en 5 ans). Tandis que les prix de betteraves 2025-2026 sont attendus entre 30 et 35 €/t, contre 39,5 €/t en 2024 et 50 €/t en 2023. De plus, les prix affichés ne seront pas les prix moyens touchés par les planteurs, car les betteraves excédentaires seront payées entre 40 et 50 % moins cher selon les groupes.
Surfaces prévues en baisse pour 2026
Le groupe allemand Südzucker demande de réduire de 25 % les surfaces de betteraves de sa filiale française, Saint Louis Sucre, pour les semis 2026. Une annonce tardive et difficilement supportable pour les agriculteurs, d’autant plus qu’elle apparaît disproportionnée : depuis la fin des quotas, la France est déjà la grande perdante en Europe, avec des surfaces légèrement en recul (-1 %), tandis que d’autres pays les ont fortement augmentées comme l’Allemagne (+13 %) et la Pologne (+35 %).
Les cours du sucre dégringolent
Le marché mondial est attaqué par les spéculateurs qui jouent la baisse. Résultat : le sucre, sur le marché mondial, a perdu 30 % de sa valeur sur la campagne. Le prix européen du sucre, affaibli par les importations ukrainiennes, dévisse aussi. Après l’ouverture du marché en 2022, des importations ukrainiennes de sucre de 1,2 Mt entre 2022 et 2024 ont gonflé les stocks, obligeant les opérateurs européens à faire du « dégagement » sur le marché mondial. Le prix spot frôle les 400 €/t sortie usine, un niveau qui n’a pas été vu depuis 2020.
Depuis la fin des quotas, la volatilité du marché du sucre européen devient impossible à gérer. Tout le monde y perd : les agriculteurs, les sucriers, les acheteurs.
La filière sucre, perdante des réformes successives de la PAC
La CGB rappelle que la filière sucrière française a été la grande perdante des dernières réformes de la PAC, que ce soit à l’amont, avec une division par deux des soutiens aux betteraviers (toutes aides PAC et nationales) entre 2008 et 2023, ou à l’aval, avec la fermeture de six usines en six ans.
La CGB appelle l’Union européenne à réassumer pleinement son rôle de gestion des marchés agricoles. Le budget de la PAC 2028-2032 prévoit une enveloppe de 6,3 Mds € sur 5 ans au titre de la stabilisation des marchés agricoles. La CGB demande que cette réserve de crise ne soit pas seulement utilisée pour corriger les effets des crises, mais aussi pour les prévenir.





