L’annonce de Südzucker, début novembre, de baisser ses surfaces de 25 % avait déjà marqué les esprits dans la filière. Les planteurs de Saint Louis Sucre s’attendaient donc à devoir faire les mêmes efforts que leurs collègues allemands, belges et polonais. Pour les planteurs français, la décision officielle est finalement tombée le 18 novembre.

Contacté par le Betteravier français, le directeur betteravier de Saint Louis Sucre, Thomas Nuytten, n’a pas voulu divulguer les résultats des négociations avec les représentants des planteurs de la Commission répartition de la valeur (CRV). Il a cependant distillé quelques éléments de contexte. « Il est important de prendre en compte la baisse des prix ces derniers mois et les stocks européens de sucre de 2,6 Mt en fin de campagne. De plus, la récolte en cours est excellente dans nos usines d’Étrépagny et de Roye. C’est une bonne chose pour le revenu agricole 2025, mais cette tendance est également observée dans la plupart des pays européens. » Le responsable de Saint Louis poursuit : « avec les huit représentants des agriculteurs au sein de la CRV, nous avons défini une grille de paiement et un prix minimum que nous avons fait évoluer pour préserver le revenu betteravier 2026. »

Pour en savoir plus, le Betteravier français a consulté le courrier reçu par les planteurs de Saint Louis Sucre, qui explique qu’en contrepartie de la diminution de 25 % des surfaces de betteraves en 2026, la CRV a obtenu que le prix minimum garanti de la betterave pour la campagne 2026 passe de 23,54 €/t à 16° à 27 €/t à 16° en betteraves entières, soit 29,03 €/t à 16° forfait collet. Par ailleurs, la courbe de paiement des betteraves est maintenue en 2026 à un niveau identique à la grille en vigueur depuis cinq ans. Enfin, la part export du prix mondial pour le paiement des betteraves 2026 est exclue de la grille de paiement. « Le paiement final des betteraves 2026 sera basé uniquement sur 100 % du prix de l’Observatoire des sucres européens – Zone 2. Cette mesure s’appliquera à titre exceptionnel pour la seule campagne 2026 », explique le courrier.

Par ailleurs, Saint Louis déclare : « la décision de baisser les surfaces de 25 % est une mesure conjoncturelle pour s’adapter aux contraintes imposées qui exigent une réponse collective et solidaire. Il ne faut pas s’y tromper, cette décision n’est pas un signal de désengagement, ni une demande d’arrêter la culture de la betterave ; bien au contraire elle vise à pérenniser notre relation. »

Paul Lannoy, président de la CGB Eure et membre de la CRV Saint Louis souligne que « cette décision unilatérale de Saint Louis sucre et de sa maison mère aura des conséquences sur tout l’amont de la filière. Les élus CGB ont concentré leurs efforts sur l’amélioration de la rémunération des betteraves 2026, et donc sur leur rentabilité, pour compenser cette baisse de surfaces ».

Objectif de stabilité pour les deux groupes coopératifs

Les deux groupes coopératifs adoptent une stratégie différente.

Tereos table sur un maintien des surfaces. « Depuis la campagne 2022-2023 et le rééquilibrage des engagements coopératifs pour raison agronomique, Tereos recommande à ses coopérateurs une stabilité des surfaces, proche de 180 000 hectares pour chaque campagne », déclare un porte-parole de Tereos. Ce souhait est particulièrement bien suivi par les coopérateurs avec une variation de 1 à 2 % par an, principalement due au parcellaire de l’année. Pour la campagne 2026-2027, Tereos a communiqué fin septembre à ses coopérateurs son souhait de poursuivre cette politique surface. C’est d’ailleurs dans cet esprit, et pour répondre aux attentes de ses coopérateurs, que Tereos a annoncé dernièrement sa décision de modifier la durée d’engagement, passant de 5 à 3 ans.

Cristal Union a une position similaire, c’est-à-dire un objectif de stabilité des surfaces. « Les surfaces européennes ont fortement augmenté depuis la fin des quotas, mais la France est encore en dessous du chiffre de 2017. Cristal Union considère que ce n’est pas à nous de diminuer les surfaces, nous avons des atouts agronomiques et des outils optimisés », déclare William Huet, directeur agricole de Cristal Union.

Les semenciers envisagent une baisse entre 3 et 5 % en 2026

Si les sucriers ont des objectifs, le choix des planteurs pèse également dans les orientations des surfaces qui seront cultivées en 2026.

Certains agriculteurs estiment que la culture n’est plus assez rentable ou que la jaunisse et la cercosporiose sont difficilement maîtrisables, et ils sont toujours prompts à déclarer sur les réseaux sociaux « vouloir arrêter la betterave sucrière ». Mais, dans les faits, très peu sautent le pas.

Alors, les surfaces de betterave vont-elles s’effondrer l’année prochaine ?

Le Betteravier français a aussi sondé des sociétés de semences pour connaître les tendances pour les semis 2026. Elles ont en effet déjà planifié les volumes de production et elles estiment que les surfaces françaises de betteraves pourraient baisser entre 3 et 5 % en 2026.

« Le prix du sucre et la difficulté de conduite de la culture vont sans doute impacter les surfaces. Et ce, même si finalement le prix des autres cultures, hormis le colza, sont à des prix bas. Les surfaces de colza ont augmenté d’environ 8 %, les semis de céréales d’automne sont en augmentation », indique un semencier, qui a requis l’anonymat.

De son côté, Benoît Rose, directeur général de Betaseed France estime qu’« elles peuvent baisser de 3 %, en fonction des futures annonces des groupes sucriers sur les prix 2025 et l’orientation 2026. »

Le directeur général de SESVanderHave France, Bruno Dequiedt, reste confiant : « le prix attendu de la betterave est faible et nous n’avons pas encore de solution contre la jaunisse. Mais nous avons récemment connu des betteraves à 45/50 € la tonne et l’année 2025 vient démontrer que la technique et la génétique continuent de progresser. Beaucoup d’agriculteurs vont atteindre des rendements rarement ou jamais atteints. »