Quels messages avez-vous délivré lors des AG des coopératives cet hiver ?

Nos exploitations agricoles traversent la crise la plus profonde depuis le début de la libéralisation totale de nos marchés. Dans ce contexte, nous recherchons chez Tereos à apporter durablement des débouchés rentables à nos 12 000 associés coopérateurs en valorisant du mieux possible nos productions agricoles. C’est le coeur de notre mission coopérative. Nous allons la poursuivre avec détermination. Mon prédécesseur, Thierry Lecomte, a mené sans relâche le projet de la création de la coopérative unique Tereos depuis 16 ans et notre rassemblement a été finalisé le 5 mars dernier. Nos valeurs d’équité et de proximité et notre ouverture à notre environnement sont les piliers qui nous permettront de continuer à entreprendre avec une vision de long terme. La transformation profonde de notre gouvernance, l’animation des commissions et des régions, sont des facteurs de proximité et d’équité, ce qui nous rapproche de nos préoccupations et de nos enjeux agricoles à un moment où le marché du sucre en Europe s’ouvre au monde.

Que change la coopérative unique dans la gouvernance du groupe ?

Notre développement s’est construit par fusions et créations de coopératives, par des acquisitions nombreuses, souvent avec le concours de partenaires. Notre modèle de gouvernance reposait sur les bases d’une union de 10 coopératives ; chaque coopérative étant regroupée autour d’une usine de production. Nous avons réalisé de grandes avancées au cours des dernières années. Récemment, les coopératives féculières de Haussimont et de Vic-sur-Aisne et la coopérative de déshydratation de luzerne APM Déshy nous ont rejoints. Nous avons mis en place progressivement un processus d’harmonisation afin que chaque coopérateur, quelle que soit sa coopérative d’origine, dispose des mêmes conditions : les compléments de prix, les règles opérationnelles, la distribution des dividendes, les indemnités et la gestion des pulpes. Cette harmonisation achevée, nous étions prêts à franchir une nouvelle étape pour simplifier notre organisation, gagner en efficacité, faciliter la communication et la proximité. Le rôle de la gouvernance, c’est de valider la meilleure stratégie afin d’affronter la volatilité et de positionner au mieux l’entreprise dans un univers extrêmement concurrentiel.

Quelles sont les perspectives économiques de Tereos ?

Nous publierons, comme tous les ans, nos résultats annuels en juin. Dans un environnement difficile pour le sucre en Europe, les perspectives sont portées par nos activités de diversification. L’an dernier elles ont représenté 75% de nos résultats opérationnels. Ceci est notamment le fruit de nos excellents résultats au Brésil, qui à eux seuls ont réalisé un Ebitda de près de 300 M€. Par ailleurs, nos activités amidonnières progressent cette année grâce à une qualité de blé bien meilleure que celle de la moisson 2016. Il me paraît aussi important de souligner un point sur la dette: en tant que coopérateurs, nous possédons à travers Tereos un patrimoine très important grâce à notre diversification. La valeur de nos actifs de diversification est largement supérieure, à elle seule, à l’ensemble des emprunts du groupe, y compris ceux de nos activités betteravières. C’est le fruit du succès de notre stratégie de diversification et de notre internationalisation, qui a permis de créer cette valeur pour les coopérateurs.

Comment le groupe Tereos résiste-t-il à la chute des prix du sucre ? Quelles sont les conséquences sur le paiement de la betterave ?

Tereos dispose d’un modèle de long terme pour affronter les périodes de crise des prix du sucre en Europe. Tereos avait été le premier groupe en Europe à garantir en 2016 à ses coopérateurs un prix minimum de la betterave et des mesures pour conforter la trésorerie de leurs exploitations.
Le prix final prévisionnel des betteraves 2017 est de 28,40 €/t, supérieur de 14 % au prix minimum annoncé lors de la signature des contrats. Tereos a, par ailleurs, proposé à ses coopérateurs de procéder au remboursement automatique du capital social excédentaire, sauf demande expresse de leur part. Cette possibilité a été largement suivie et 70 % des coopérateurs concernés ont opté et bénéficié d’un remboursement intégral de leur capital social excédentaire. Dans la conjoncture difficile que nous traversons, ces fonds, qui s’ajoutent cette année au prix payé pour les betteraves, sont de nature à conforter la trésorerie de nos exploitations.

Comment se décomposent ces 28,40 €/t ?

Le prix moyen prévisionnel de 28,40 €/t intègre le prix de base, les primes versées au titre de la campagne 2017-2018, les intérêts aux parts sociales ainsi que le versement de dividendes. Un premier dividende a été versé en février dernier, un second sera proposé à l’Assemblée générale de juin prochain. Les dividendes, provenant de la diversification et versés en 2018, s’élèveraient donc à 1,70 €/t de betteraves contractées. C’est un complément de revenu substantiel qui provient directement du résultat de notre stratégie.

Y aura-t-il des inflexions dans la stratégie de Tereos ?

Nos activités aujourd’hui sont organisées autour du sucre et des produits sucrants, des amidons et de la fécule, des protéines végétales, de l’alimentation animale, de l’alcool et de l’énergie. En anticipant les évolutions de ses marchés, Tereos a bâti un modèle solide et durable. Tereos a donc la capacité à résister aux évolutions de cet environnement sur le long terme. C’est la raison pour laquelle le Conseil de surveillance vient de valider les orientations suivantes : nous avons l’ambition de continuer à croître pour occuper des positions de leader sur nos marchés, sur lesquels la taille est un facteur de compétitivité, et nous allons poursuivre notre diversification, car aujourd’hui les prix des betteraves sont de plus en plus dépendants des prix de marché du sucre.

Prévoyez-vous de nouveaux investissements ?

Nous avons investi 500 M€ depuis 2010 dans nos usines françaises, sucreries et féculerie, notamment pour réduire notre consommation d’énergie de 16 %, et nos émissions de carbone de 20 % et pour préparer l’allongement des campagnes. Pour renforcer encore notre compétitivité, nous allons poursuivre nos efforts de productivité et continuer à gagner en performance. Nos équipes de direction ont mené avec succès un plan de performance de 100 M€ sur les 3 dernières années et vont poursuivre dans ce sens.

Pensez-vous qu’il y a encore des marges pour améliorer la rentabilité des betteraves ?

Nous avons renforcé le conseil agronomique pour nos coopérateurs et nous allons continuer à le faire pour les accompagner dans des gains de productivité.
Nous allons aussi mettre en place une commission agronomie transversale. Les marges de progrès sont considérables, notamment grâce aux nouvelles technologies. Pour améliorer la compétitivité et le revenu des planteurs français, il faut aussi que nous soyons collectivement capables de réformer le fonctionnement de notre interprofession. Nous voulons le faire dans l’esprit qui a animé les Etats généraux de l’alimentation : une vision de filière et un esprit de co-construction. La filière betterave sucre est une des filières françaises les plus avancées, notamment sur le partage de la valeur dans les coopératives.

Nos coopératives sont à elles seules des filières à part entière. Notre objectif est de continuer à tirer la filière par le haut, pas de la niveler par le bas. L’AIBS est la bonne enceinte pour conduire ces débats. Tous les sujets peuvent y être abordés, sans tabou et dans le respect, bien sûr, du droit de la concurrence. A ce titre, je soutiens pleinement les propositions faites lors de notre réunion interprofessionnelle du 11 avril avec le ministère de l’Agriculture : nous devons aller plus loin dans le beau travail réalisé il y a deux ans pour réformer notre interprofession, et Tereos est tout à fait d’accord pour le faire en s’ouvrant davantage à nos partenaires de l’amont et de l’aval, comme le propose le gouvernement.

Tereos travaille-t-il sur la betterave bio ?

Tereos est déjà un des acteurs très importants du sucre bio en Europe sur le plan commercial. Cette anticipation de notre présence commerciale nous permet, alors que la culture de la betterave bio intéresse aujourd’hui certains de nos coopérateurs, de leur proposer des contrats pour 2019.
Nous avons décidé de réaliser des essais dès cette année dans le cadre d’un plan à 3 ans. Nous démarrerons la production de sucre bio de betteraves en 2019 dans notre sucrerie d’Attin dans le Pas-de-Calais. Nous continuerons l’année suivante à Artenay pour le sud de Paris, et enfin une sucrerie en Picardie pourra traiter les betteraves picardes et marnaises.

François-Xavier Duquenne