L’année noire pour le secteur betterave-sucre commence le 17 mars, avec le confinement national de la population décidée par le gouvernement pour lutter contre la propagation du coronavirus. La consommation de carburants, et donc de bioéthanol, chute alors fortement. En l’espace de quelques jours seulement, les producteurs d’alcool, Cristal Union et Tereos, doivent adapter leur outil industriel et se mettre à produire en masse de l’alcool éthylique et des solutions hydroalcooliques pour répondre à la demande de leurs adhérents, mais aussi du personnel médical et plus largement de la population française dans son ensemble. Pari réussi puisqu’ils affirment à l’issue du premier confinement être devenus les leaders européens de ces nouvelles productions.

Après des semis qui débutent véritablement le 23 mars, les pucerons verts commencent à apparaître en masse dans les champs de betteraves et inoculent le virus de la jaunisse à la mi-avril. Leur présence est si forte que les traitements de surface préconisés (Teppeki et Movento) se révèlent inefficaces. C’est le début d’une campagne noire pour la betterave, qui va voir ses rendements s’effondrer. Alors que les premiers ronds de jaunisse commencent à apparaître dans les champs, la CGB et le président de Cristal Union, Olivier de Bohan, tirent en mai la sonnette d’alarme sur les conséquences graves qui se profilent pour le secteur et réclament le retour des néonicotinoïdes en enrobage de semences.

Le 14 juillet, pour un de ses premiers déplacements officiels, le nouveau ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, se rend sur l’exploitation de Guillaume Lefort en Seine-et-Marne. Il constate l’étendue des dégâts causés par la jaunisse sur les champs de betteraves, qui se conjugue à une nouvelle sécheresse. Ce déplacement marque le début de la prise de conscience des politiques quant à la gravité de la crise qui touche la filière betteravière française et leur engagement à trouver des solutions pour assurer son avenir. Le 29 juillet, Pierre Cuypers, sénateur de Seine-et-Marne et 103 autres élus (députés, sénateurs, présidents de régions et de départements) adressent une lettre ouverte au Président de la République, Emmanuel Macron, pour lui demander solennellement d’agir rapidement pour sauver la filière betteravière française. Le même jour, quatre conseils régionaux (Normandie, Hauts-de-France, Île-de-France et Grand Est) font cause commune pour demander au gouvernement une réautorisation temporaire des néonicotinoïdes en enrobage de semences.

Le ministre de l’Agriculture présente le 3 septembre, en Conseil des ministres, un projet de loi ouvrant une possibilité dérogatoire à l’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves. Le gouvernement affirme alors sa volonté d’aller vite pour que la filière puisse prendre ses décisions d’assolement 2021 et organiser l’enrobage des graines de betteraves rapidement. Au terme de longues semaines de débats intenses à l’Assemblée nationale et au Sénat, le projet de loi « relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire », est définitivement adopté par le Parlement le 4 novembre, après un vote en seconde lecture dans les deux chambres.

L’aval de la filière est également touché par des bouleversements majeurs en 2020. C’est en particulier le cas du premier groupe sucrier français, le groupe coopératif Tereos, qui a fait face à une crise de gouvernance, après l’élection le 30 novembre en assemblée générale, de nouveaux administrateurs, dont Xavier Laude, Jérôme Hary et Gérard Clay. Finalement, après trois semaines de querelles internes qui ont vu se succéder une grève des salariés dans les sucreries françaises et une assignation au tribunal, Gérard Clay est élu nouveau président du conseil de surveillance le 18 décembre en remplacement de Jean-Charles Lefebvre. Dans la foulée, le conseil de surveillance procède à la révocation d’Alexis Duval, qui était président du directoire du groupe depuis le 1er octobre 2012. Il est remplacé par Philippe de Raynal, ancien directeur général du groupe céréalier Axéreal de 2011 à 2017.