Chez Nicolas Lemoine, agriculteur à Athies-sous-Laon dans l’Aisne, la production de légumes et de pommes de terre est une tradition familiale. Installé en 2005, le jeune agriculteur poursuit l’assolement en place. « Nous sommes sur des terrains légers, de sable sur craie ou sable sur argile, justifie-t-il. De plus, la nappe phréatique affleurant à moins d’un mètre permet l’irrigation ». Enfin, la proximité géographique avec Expandis, commercialisant des légumes pour l’industrie, dont il est devenu vice-président, constitue un atout supplémentaire.

Soigner ses récoltes

Toute la production de légumes et pommes de terre est agréée GLOBAL G.A.P. et commercialisée par Expandis. L’agriculteur, aidé par ses deux salariés apporte un soin particulier pour les récoltes qui s’enchaînent pendant plus de six mois. Elles débutent en juin par les pois de conserve, suivies par les carottes, récoltées jeunes en juillet-août et destinées elles aussi à finir en boîte. Le producteur les livre à la station de lavage de Marchais à quelques kilomètres d’où elles seront expédiées chez les industriels. A la moisson succède l’arrachage des pommes de terre d’industrie dès la mi-septembre. Puis suivent les fécules (pour Tereos) et les betteraves. Les salsifis (10 ha) clôturent la saison, de fin décembre à mars. Le producteur déterre toutes les pommes de terre, industrie et fécule, ainsi que les salsifis.

Les pommes de terre d’industrie de Nicolas Lemoine sont dédiées à la fabrication de chips, comme environ 80 % des pommes de terre d’Expandis. L’agriculteur cultive une seule variété, la VR808, qu’il stocke jusqu’en mai-juin. Les tubercules partent pour la transformation dans trois usines de Frito-Lay, (filiale de Pepsico), au Portugal, en Espagne ou en Belgique. Et parfois ils reviennent en France sous forme de chips de la marque Lay’s. « Afin d’obtenir une meilleure résistance aux chocs lors des longs transports, je les brumise dès le stockage », détaille le producteur.

Adaptation réussie à la fin du CIPC

« Notre dernier défi a été de s’adapter à la fin du CIPC », explique-t-il. Nicolas Lemoine a testé la thermonébulisation au Dormir avec Arvalis depuis deux ans dans son bâtiment de stockage de 1000 t. « Cette technique demande plus de surveillance, car le produit est préventif. Il faut agir juste avant l’apparition de points blancs sur les tubercules ». L’agriculteur applique aussi systématiquement de l’hydrazide maléique en plein champ pour retarder la germination au stockage. Là aussi, les conditions d’application s’avèrent plus techniques, avec des fenêtres météo spécifiques : forte hygrométrie, sans chaleur trop élevée et sans pluie après traitement. Un positionnement parfois compliqué, d’autant plus qu’il doit correspondre à un calibre minimum des tubercules. « Nous découvrons si le produit a été efficace au champ lors du stockage. En 2019, nous avons débuté la thermonébulisation avec du Dormir fin décembre, contre fin octobre en 2020. Ensuite, j’essaie d’espacer au maximum les traitements au Dormir, entre 8 et 10 semaines. L’objectif étant d’économiser une application ». Les thermonébulisations sont réalisées par un prestataire qui apporte aussi son expertise. Le producteur soigne encore plus le séchage rapide des pommes de terre et abaisse les températures à moins de 12 degrés.

Les analyses des résidus de CIPC réalisées par Arvalis ont montré des taux inférieurs aux LMR réglementaires (0,04 mg/kg). La zone la plus impactée reste le couloir technique, avec les ventilateurs. « Nous avons nettoyé tout le bâtiment. Pour les ventilateurs, nous avons frotté chaque pale à la brosse », explique-t-il.

Au final, le producteur a réussi à s’adapter à l’arrêt du CIPC, avec plus de temps et plus de technicité. « Mais cela a un coût, avec une substitution 3,5 fois plus onéreuse, déplore le producteur (12 €/t contre 3,5 €/t avant). Et si le transformateur participe à ces surcoûts, cela ne compense pas toute la hausse.

Rémunérer les nouvelles exigences

« La rémunération des plantes destinées aux industriels devient d’ailleurs une préoccupation », s’inquiète-t-il. Les cahiers des charges se compliquent d’année en année, avec de nouvelles contraintes et moins de matières actives phytosanitaires disponibles. « Nous devons répondre aux attentes sociétales, mais la compensation pour le producteur n’est pas suffisante. S’il faut implanter des bandes fleuries, planter les pommes de terre avec des barbuttes (mini-barrages entre les buttes pour éviter l’érosion) ou fertiliser à la plantation, cela est possible. Mais il faut une rémunération pour ces nouveaux services ».