Vincent Guyot cultive sa ferme en non-labour depuis 20 ans. Mais il ne s’est pas limité à abandonner sa charrue, il a aussi abandonné la herse rotative. Il a essayé divers semoirs non animés pour finir par fabriquer son propre semoir. Pour cela, il est parti d’un déchaumeur 3 m Dechaum’Agro de la marque Guilbart sur lequel il a monté une caisse de semoir mécanique Sulky. La distribution est extrêmement simplifiée, mais Vincent Guyot n’a jamais à se plaindre de la densité de semis. Ce semoir simplifié autorise une vitesse de semis de 8,5 km/h.

Malgré un travail du sol simplifié, Vincent Guyot ne se qualifie pas de TCiste. « On ne peut pas être en Technique culturale simplifiée (TCS) quand on est betteravier », affirme-t-il. En effet, en raison du poids des intégrales qui assure la récolte des racines, Vincent Guyot est obligé de reprendre le champ avant le semis du blé. « Ça, c’est ma charrue », dit-il en montrant son décompacteur.

Une vie de tests et d’adaptation

Sur le chantier de semis, son tracteur est systématiquement équipé avec un outil frontal. L’objectif de l’agriculteur est de faire le moins d’heures de tracteur possible. D’une part parce qu’il est seul dans sa ferme, et d’autre part car une de ses lignes de conduite est d’émettre le moins de gaz à effet de serre possible. « Je cherche à optimiser la performance carbone ».

Pour mettre au point son itinéraire technique un peu original, Vincent Guyot réalise beaucoup de tests. C’est même chez cet agriculteur un trait de caractère, une passion, une habitude. Il avoue même être en perpétuelle adaptation. « Je suis un cobaye, un agriculteur expérimentateur. Je fais même trop d’essais », explique-t-il. L’agriculteur a connu de sérieux échecs. « J’ai déjà perdu de l’argent, j’ai pris des tôles », avoue-t-il en évoquant un champ de blé de printemps de 17 ha dans lequel il n’a récolté que 30 qx / ha. Son semoir est modifié tous les hivers. C’est un outil évolutif et adaptable, puisque le rouleau arrière est monté sur un attelage trois points qui lui permet d’être remplacé par une herse en condition plus humide. Pour l’outil frontal, Vincent Guyot en possède plusieurs variantes pour s’adapter aux différents volumes de résidu de récolte ou de couverts végétaux. L’agriculteur avoue que cette posture d’expérimentateur n’est possible que parce que la situation financière de son exploitation et de sa famille est stable.

L’ensemble qui assure le semis est équipé d’un GPS qui permet à l’agriculteur de semer les fourrières et surtout les passages de pulvérisateur en premier. Cela permet d’aller fermer les rangs correspondant au passage des roues du pulvérisateur afin d’économiser de la semence et de faire des repères pour l’application de l’herbicide. Le semis des fourrières en premier permet de ne pas avoir à semer sur un sol tassé par les roues du tracteur. Selon l’agriculteur, l’usage du GPS permet d’économiser 4 % d’intrant.

Mais comme la majorité des techniques qui s’inspirent de l’agriculture de conservation des sols, la stratégie de Vincent Guyot repose sur l’utilisation d’un petit peu de glyphosate. Et la possible interdiction de la précieuse molécule inquiète l’agriculteur. « Je teste beaucoup d’itinéraires de semis différents pour essayer de m’en passer car je ne veux pas retourner à un travail plus intense du sol ou à un labour », explique-t-il. Comme beaucoup, l’agriculteur établit un parallèle entre le glyphosate et le nucléaire : « sans ces outils, l’alimentation comme l’énergie vont nous coûter plus cher, en euros et en carbone ».

La communication comme ligne de conduite

L’agriculteur porte en lui aussi une autre mission : la communication sur son métier auprès du grand public. Membre de la communauté FranceAgriTwittos, il est très actif sur Twitter. Il est aussi intervenu dans plusieurs reportages télévisés, surtout au moment du renouvellement du glyphosate. Le plus long était le célèbre « Envoyé Spécial, spécial glyphosate » réalisé par la bien triste Elise Lucet. « Mais prudence, les médias viennent parfois uniquement chercher des supports pour faire passer leurs propres idées, leurs messages, leurs éléments de manipulation de l’opinion. Ce n’est vraiment pas facile », avoue l’agriculteur. « La journaliste, si on peut appeler cela du journalisme, n’a en rien montré la réalité du dossier et ma vraie vie », rajoute-t-il. Cette émission a beaucoup affecté l’agriculteur. Cependant Vincent Guyot est un battant. Même s’il a su en tirer les leçons, il ne s’est pas découragé. Dans le registre de la communication, Vincent Guyot a une autre passion, celle de réaliser des fresques dans ses champs, bien visibles grâce au caractère vallonné de son parcellaire. L’agriculteur a toujours un message à graver dans son sol.

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