Le 13 octobre dernier s’est tenu le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (Scopaff). Le sort réglementaire de nombreuses molécules était à l’ordre du jour, à commencer par celui du glyphosate.

À la suite du rapport de l’Efsa, la Commission européenne avait proposé de le ré-homologer pour 10 ans. Les États membres devaient alors trancher. Aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture n’a pas approuvé cette ré-homologation et a préféré s’abstenir. « La France attend que la proposition de la Commission converge vers l’idée d’une ré-homologation sous condition d’usage », explique Marc Fesneau, dans un entretien accordé à nos confrères de l’AFP. La France demande un renouvellement de 7 ans au lieu de 10, et souhaite également que les conditions d’utilisation du glyphosate actuellement en vigueur en France soient adoptées au niveau européen. « Partout où on peut trouver des alternatives, il n’y a plus d’utilisation du glyphosate possible », a-t-il déclaré le 25 octobre dernier devant le Sénat. Il a justifié ne pas s’opposer en soi au renouvellement de la molécule via la célèbre formule « s’il n’y a pas de solution, il n’y a pas d’interdiction ». On peut cependant se demander s’il y a réellement des alternatives pour toutes les restrictions imposées en France aujourd’hui. La réalité de la plaine pourrait en faire douter.

Mais il faut aussi voir l’autre côté de la pièce de cette position : dans le compte rendu du Scopaff, la France explique aussi vouloir « éviter de possibles distorsions de concurrence », comme celles qui existent déjà aujourd’hui. Un moindre mal ? Quoi qu’il en soit, le sort de la célèbre molécule va être maintenant débattu en comité d’appel, et ce, avant le 15 décembre, date de la fin de son homologation.

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Le Safari a aussi sauté

Parmi les autres molécules étudiées lors du Scopaff, figurait l’herbicide triflusulfuron-méthyle (Safari, Shiro, Kaskad, …) jusqu’alors utilisé en désherbage betterave et chicorée. Cette matière active majeure est notamment efficace contre les crucifères, les ombellifères ou les mercuriales. Elle vient maintenant allonger la longue liste des molécules retirées. Le délai de grâce n’est pas encore précisé mais devrait probablement permettre une utilisation pour le désherbage 2024.

Le S-métolachlore, qui permettait de lutter contre les graminées, et notamment les vulpins et les ray-grass résistants, est lui aussi tombé au niveau européen. Mais au niveau français, les formulations utilisant la molécule avaient déjà été retirées le 20 avril dernier, avec une fin de commercialisation au 20 octobre 2023 et une fin d’utilisation un an plus tard. Si la décision du Scopaff n’est pas favorable à l’agriculture européenne, elle vient cependant corriger une distorsion de concurrence au sein de l’UE. Une consolation partielle et quelque peu amère.

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La commission de l’environnement durcit le règlement SUR

Après le passage en commission de l’agriculture du Parlement européen et avant le vote en plénière, le règlement dit « sur l’utilisation durable des pesticides » proposé par la Commission européenne a été débattu en commission de l’environnement (Comenvi) le 24 octobre dernier. Le texte voté est encore plus contraignant que la proposition de la Commission européenne qui, selon le Copa-Cogeca, « était déjà complètement déconnectée des réalités agricoles de terrain ». À l’objectif de réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides à l’horizon 2030, les eurodéputés de cette commission ont voulu ajouter un objectif de réduction de 65 % des molécules dites « les plus dangereuses ». Le texte amendé prévoit aussi une obligation pour les États membres de préparer des plans nationaux avec des objectifs spécifiques, notamment pour cinq cultures au moins pour lesquelles une réduction de l’utilisation de pesticides chimiques aurait le plus grand impact. Les parlementaires de la commission de l’environnement du Parlement européen (comenvi) ont confirmé l’interdiction des pesticides conventionnels dans les zones sensibles. Les pesticides homologués en agriculture biologique ainsi que les produits de biocontrôle restent autorisés. Selon le texte adopté, les États membres garderaient une flexibilité dans la délimitation des zones ainsi que des possibilités de dérogation. Enfin, les eurodéputés ont prévu d’associer ces nouvelles réglementations à des clauses miroirs. On peut cependant s’interroger sur la réalisation concrète de cette dernière mesure, sachant que les clauses miroirs ne sont déjà quasiment pas appliquées aujourd’hui.

Par ailleurs, « aucune étude n’a été réalisée à l’échelle de l’UE sur la portée des dispositions incluses dans le rapport de la commission de l’environnement », alerte le Copa-Cogeca. « Nous sommes donc aujourd’hui clairement dans le cadre d’une posture politique », affirme-t-il. La FNSEA rappelle que « toutes les études menées dans le cadre du Pacte Vert démontrent une baisse significative des rendements agricoles et un renchérissement des aliments, sans effet environnemental concluant ». « Dans le contexte agricole, économique et géopolitique actuel, cette décision de la Commission Environnement révèle une certaine frivolité », affirme le Copa-Cogeca. Quelques semaines auparavant, la commission de l’agriculture a refusé que le financement de ces mesures soit fait à partir des fonds consacrés à la PAC. Qui va donc payer ? La question reste en suspens.

À noter qu’il ne s’agit ici que du vote de la commission environnement, et que le texte final sera voté par l’ensemble du Parlement lors de la session plénière du 20 au 23 novembre. Les débats risquent d’être très vifs, de manière analogue à ce que l’on a connu en juillet dernier avec le texte dit de « restauration de la nature ». Affaire à suivre.

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Le gouvernement français veut aussi diminuer les phytos par deux

Au niveau français, la direction est très semblable : « une diminution de moitié de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017 » ont réaffirmé, lundi 30 octobre, les différents ministres concernés par le plan Écophyto II+ qui va être remplacé en 2024 par Écophyto 2030. Voici les grands axes du nouveau plan, tel qu’ils sont spécifiés par le ministère :

  • concevoir une nouvelle approche basée sur l’accélération de la recherche d’alternatives et la préparation au retrait de substances actives : renforcement de l’innovation et de la recherche d’alternatives couplés à des moyens d’accompagnement ;
  • assurer une protection compétitive à l’international et porter les positions françaises au niveau européen ;
  • massifier les pratiques de re-conception des systèmes dans une logique de transition agro-écologique, en combinant les leviers non-chimiques et chimiques en dernier recours et en confortant le rôle des collectifs d’agriculteurs ;
  • renforcer la protection de la santé et de l’environnement dans une approche Une seule santé ;
  • accentuer le lien avec les politiques de l’alimentation et de l’implication de l’ensemble de la chaîne de valeurs des filières ;
  • territorialiser la stratégie pour opérationnaliser les actions au plus près du terrain

Le gouvernement vient de soumettre ces éléments à la consultation de l’ensemble des parties prenantes du COS (représentants du secteur agricole, associations, collectivités, instituts scientifiques, etc.) les grands axes d’Écophyto 2030 qui remplacera Écophyto II+ en 2024.