Nous travaillons depuis plus de 10 ans sur les couverts. Cette année, notre plateforme d’essais de Maisoncelles-en-Brie (77) en compare 150. Nous cherchons des mélanges rustiques adaptés aux rotations de nos adhérents. Si les mélanges technico-économiques à base de crucifères sont disponibles dès 20 €, nous encourageons nos producteurs à semer des mélanges techniques à forte biomasse. Investir 70 €/ha pour produire jusqu’à 6 (voire 7 tonnes) de matière sèche est un très bon investissement. Outre la restitution d’azote d’au moins 40 à 50 unités (soit plus de 50 euros d’économie), les gros couverts sont bénéfiques. Et ce, quels que soient les systèmes de culture, en non-labour ou en labour. Les atouts résident dans la restructuration du sol, le cycle de minéralisation de la matière organique et des éléments fertilisants. En 2024, nos adhérents ont implanté 2 000 hectares de couverts techniques et agronomiques. Cette année, 7 000 hectares.

Plus de 50 % de légumineuses en poids dans les mélanges

Nous visons des mélanges avec des espèces complémentaires qui fonctionnent dans toutes les situations. Cinq espèces suffisent. Aller au-delà apporte peu d’intérêt. Nous favorisons une très grande densité de légumineuses dans le couvert. Un de nos mélanges techniques comprend plus de 50 % de vesce velue en poids. Il est complété par de la phacélie, 10 % de crucifères et du tournesol. Un autre se compose de 2/3 de trèfle en poids, soit 50 % en nombre de graines. Les légumineuses permettent une plus grande captation et restitution d’azote.

Nous portons une grande attention à la dynamique de pousse. Dans nos mélanges à semer début août, la moutarde blanche n’est pas adaptée. Elle n’est pas synchrone avec les autres espèces. Elle pousse trop rapidement et limite le développement des légumineuses. De plus, elle lignifie très vite et ne peut dépasser 1 200° / jour de croissance dans les couverts, même avec les variétés les plus tardives. Enfin, avec sa tige creuse, sa biomasse n’est pas si importante que cela. Nous la réduisons aussi, car elle favorise les populations de sangliers, gros problème dans notre région.

Choisir des variétés adaptées

Nous étudions l’aspect variétal des différentes espèces avec nos screenings. Certaines variétés de vesces velues donnent des biomasses deux fois plus importantes que d’autres, passant de 2 à 4 tonnes. Pour les radis, les dates de floraison varient énormément. Nous optons pour des variétés très tardives, plus chères, mais sans souci de montées à graines qui pourraient se retrouver dans les champs de betteraves. Un aspect à ne pas négliger vu le retrait du Safari. De plus, le rapport C/N est plus favorable (plus faible) avec les variétés très tardives.

Nous sommes aussi très vigilants à l’aspect sanitaire. Nous choisissons des variétés de radis fourrager anti-nématodes, adaptées aux rotations betteravières. Nous évitons le radis chinois qui ne dispose pas de cette qualité. La diminution des crucifères dans nos couverts diminue aussi le risque de développement de la hernie des crucifères. Nous évitons les graminées dans nos mélanges. L’avoine rude, par exemple, peut attraper des maladies lorsqu’elle est semée avant le 10 août.

Semer tôt et aller jusqu’à 1 800 – 1 900°/ jour de croissance

Nous conseillons d’implanter tôt nos couverts agronomiques. L’idéal est de semer tout de suite après la moisson pour profiter au maximum des jours longs et de degrés jours importants. Certains agriculteurs arrivent à valoriser jusqu’à 1 900°/ jour. Pour nos adhérents engagés dans des démarches de diminution de l’empreinte carbone, nous travaillons beaucoup sur la durée de couverture ainsi que sur la biomasse obtenue. Nous avons des couverts qui leur sont très appropriés comme le VF Régécouv Plus. Il associe cinq espèces complémentaires (moutarde d’Abyssinie, radis, phacélie, tournesol et vesce velue) que nous regroupons spécifiquement dans notre station de semences de Senlis.

Pour que les légumineuses prennent toute leur place, nous préconisions un semis vers le 1er août, et impérativement avant le 10 août. Nous devons être très pédagogues sur ce point, car il nécessite une autre organisation. Les adhérents commencent généralement par une parcelle et dupliquent ensuite la technique. C’est une habitude à prendre.

Pour les crucifères, nous apprécions les radis fourragers super tardifs, qui peuvent être menés jusqu’à 2 000°/ jour. Le radis fourrager a aussi un effet restructurant, cette fois plus en profondeur. Les moutardes blanches lignifient trop rapidement et montent à floraison en cas de stress hydrique ou de coup de chaud. La moutarde brune a ce même défaut.

Nous travaillons aussi la hauteur des couverts et les différents systèmes radiculaires. Le tournesol apporte un système racinaire développé au niveau superficiel. Il pousse bien, même sans azote ou avec peu d’eau, supportant très bien les coups de chaud.

Une canopée avec des couverts à haute densité de légumineuses

Expérimentation

Certes, ce n’est pas la forêt amazonienne. Mais Thierry Tétu, enseignant-chercheur à l’université de Picardie et agriculteur dans la Somme, appelle canopée son couvert à haute densité de légumineuses. Depuis plusieurs années, il teste des couverts très denses à base de féveroles. Avec plus de 1,30 m de hauteur, une densité de 40 à 50 pieds de féverole par m2, l’air est bloqué sous le feuillage. Ce qui favorise la concentration en CO2 qui passe selon ses mesures de 0,04 % à 0,06 % au sol. Ce qui augmente la production du couvert. De plus, cet effet canopée maintient une humidité interne plus élevée.

Le chercheur préconise une quantité par hectare de couverts de 100 kg de féveroles de variété Nanaux (au PMG inférieur de 50 % aux variétés standard), 80 graines de pois protéagineux, 10 kg de trèfle d’Alexandrie (350 pieds/m2), éventuellement un peu de fenugrec, et du lupin si le sol n’est pas trop calcaire (pH inférieur à 7,5). Dans certains essais, la biomasse obtenue de 8,5 et de 10 t/ha de MS a permis de stocker jusqu’à 250 et 350 unités d’azote. Pour que cela fonctionne, il faut obtenir une densité de 250 grains par m2 avec 80 % de légumineuses et disposer d’un climat favorable.