Vous êtes grand témoin à l’AG de la CGB le 9 décembre prochain. Quel message allez-vous délivrer aux betteraviers ?

Je veux d’abord délivrer un message d’espoir, mais aussi un appel clair à la mobilisation. De l’espoir, car l’actualité européenne n’est pas uniquement synonyme de morosité pour l’agriculture. Dans quelques jours, le Parlement adoptera officiellement une vraie simplification de la PAC afin d’alléger les charges qui étouffent nos exploitations, notamment ces exigences environnementales devenues des casse-têtes sans fin. On observe aussi un virage assumé, même s’il n’est jamais reconnu publiquement : l’abandon progressif de la logique Farm to Fork, ce Green Deal agricole qui poursuivait une logique mortifère de décroissance pour l’agriculture européenne.

Mais aussi un appel à la mobilisation, car des menaces majeures planent sur l’avenir de l’agriculture : la PAC post-2027, qui s’annonce catastrophique, et l’accord UE–Mercosur, qui ferait entrer sur notre marché des produits ne respectant pas nos standards.

Vous avez présenté un texte sur la révision de l’organisation commune des marchés de la PAC afin de préserver le revenu des agriculteurs. Comment a-t-il été reçu ? Comment se passent les trilogues ?

Les mobilisations agricoles de 2024 ont envoyé un message clair : les agriculteurs demandent moins de contraintes et davantage de revenus. En tant que rapporteur, mon objectif sur ce texte est clair : renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur, notamment en sécurisant, là où cela est pertinent, des contrats solides afin de consolider durablement leurs revenus.

Dans cette optique, j’ai soutenu la nécessaire prise en compte des coûts de production dans la formule de prix ! J’ai aussi porté d’autres propositions fortes :

• Protéger les dénominations « viande » : un steak, un burger, une saucisse sont des produits issus du savoir-faire de nos fermes. Les mots ont un sens et le travail des éleveurs doit être respecté.

• Indication de l’origine via les normes de commercialisation pour garantir plus de transparence aux consommateurs et mieux valoriser le travail des agriculteurs.

J’ai également soutenu la revalorisation des prix d’intervention, en particulier pour le sucre.

Cette position a été adoptée à une très large majorité au Parlement au mois d’octobre, traduisant un soutien franc à la position que j’ai portée. Les trilogues avancent dans une atmosphère constructive : chacun comprend que les agriculteurs doivent reprendre du poids dans les négociations commerciales.

Les organisations agricoles attendent notamment la mise en place de stocks stratégiques ou encore des prix de référence revalorisés. Pensez-vous que ces deux points puissent aboutir ? Est-ce que vous rencontrez des résistances ?

Les stocks stratégiques relèvent de la réforme de l’OCM proposée en juillet 2025. Le Parlement ne s’est pas encore saisi du sujet, mais je soutiens cette mesure de régulation indispensable : toutes les grandes puissances agricoles augmentent leurs stocks. L’Europe doit disposer d’une approche commune et arrêter d’agir en ordre dispersé.

Sur la revalorisation des prix de référence, la discussion est en cours mais les résistances sont fortes : la Commission et le Conseil craignent de « revenir aux montagnes de lait » d’avant les années quatre-vingt-dix. Or, il s’agit de redonner un filet de sécurité minimal, utilisable, pas de tout de détricoter.

Que pensez-vous de la proposition de la Commission sur la nouvelle PAC ?

Je m’y suis opposée dès la première minute. D’abord à cause de la baisse massive du budget de 20 % environ. C’est un choix incompréhensible, presque indécent, à un moment où nos agriculteurs font face à une concurrence internationale violente et à des investissements imposés par les transitions.

Mais surtout, cette réforme démantèle l’architecture même de la PAC. Elle ouvre la porte à une renationalisation qui ferait exploser l’égalité de concurrence entre les agriculteurs européens. Ce serait la fin d’une politique commune cohérente, bâtie depuis des décennies.

Comprenez-vous la mobilisation agricole prévue le 18 décembre à Bruxelles ?

Bien sûr. Elle est la conséquence directe d’un renoncement politique. Le Président de la République n’a fait que réclamer un cache-misère à la Commission européenne avec ses clauses de sauvegarde. Comment est-ce possible de demander toujours plus d’efforts aux agriculteurs d’une part et d’ouvrir nos marchés à une concurrence insoutenable d’autre part ?

Les agriculteurs ressentent pleinement cette tension et ne veulent plus être sacrifiés sur l’autel de la naïveté commerciale européenne.

Selon vous, comment redonner une ambition agricole à l’Europe ?

Il nous faut d’abord libérer la production, arrêter de harceler les agriculteurs par des normes déconnectées, signer des accords commerciaux ciblés et sectoriels, qui ne font plus systématiquement de l’agriculture la variable d’ajustement de dernière minute.

Nous devons poursuivre le renforcement de la place des agriculteurs dans la chaîne de valeur, avec la révision de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Enfin, assurer une PAC, véritablement commune et porteuse d’une ambition claire au service de la souveraineté alimentaire de la France et l’Europe.