Le marché européen des graines de colza et de tournesol est resté étanche à la chute des cours mondiaux que vient de connaître la graine de soja. Le 30 septembre, les prix du colza affichent 466 €/t sur le FOB Moselle, et 463 €/t, pour la graine rendue à Rouen. Sur les marchés à terme, les trois prochaines échéances de novembre 2025, février et mai 2026, affichent des prix de 665 €/t à 675 €/t. Même la revue à la hausse de la récolte européenne à 20 Mt n’a pas pesé sur les prix. Avec 4,5 Mt, la France dispose d’un volume et d’une qualité des grains excellents. Les cours du tournesol restent aussi soutenus, à 556 €/t.
Avec des prix aussi solides, les cultures européennes échappent donc au cyclone mondial que vient de connaître la graine de soja. La crise est partie de la chute brutale de la monnaie argentine, le peso, dont la valeur est divisée par deux (-56 %) depuis un an, et s’est effondrée en septembre, après des revers électoraux du parti de Javier Milei, le président argentin qui s’est rendu célèbre avec une tronçonneuse symbolisant la réduction des dépenses de l’état. Les capitaux fuient, et la banque centrale a dû céder des centaines de millions de dollars pour soutenir la devise.
Afin de renflouer ses caisses au plus vite, le président argentin a décidé de supprimer les taxes à l’exportation – de 26 % – sur les graines et l’huile de soja. Dès l’annonce, le 22 septembre, les cours du soja américain à Chicago, déjà faibles, ont dévissé de 385 à 370 $/t, entraînant des centaines de millions de dollars de pertes pour les farmers américains. Un vrai casse-tête pour le président Trump, grand ami de Milei, mais aussi des producteurs américains qui sont ses électeurs et qu’il avait promis de protéger. Trump a indiqué qu’il aiderait l’Argentine, avec un soutien de 20 milliards de dollars qui fait débat parmi ses troupes.
La suppression des taxes à l’exportation de l’Argentine s’applique jusqu’au 31 octobre, à concurrence de 7 milliards de dollars de vente. Il s’agit d’une véritable promotion géante pour les importateurs. Immédiatement, la Chine a réservé vingt cargos et l’Inde s’est jetée sur l’huile de soja. En conséquence, les exportations argentines ont bondi à 10 Mt, sur une production globale de 50 Mt, du jamais vu. Cette crise sert à la Chine dans sa guerre commerciale avec Trump. Elle s’approvisionne à moindre coût en Amérique du Sud et se passe d’achats aux États-Unis. À date, elle n’a effectué aucune commande de soja alors que la récolte américaine démarre. Les fermiers américains sont furieux de la perte de ce débouché et de la chute des prix. Et pour l’instant, il n’y a pas d’évolution sur le dossier de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. Une situation dont l’Europe des oléagineux, d’ailleurs, ne pâtit pas…