« L’agriculture est un secteur qui a des besoins industriels mais aussi des revenus d’artisans », explique Cyril Temin, fondateur d’Agrilend, une plateforme de prêt participatif dédiée au secteur agricole et viticole.

Pour lancer ou développer une activité agricole, les besoins de financement sont importants. Mais la rémunération des agriculteurs ne suit pas toujours. Ce qui freine le développement du secteur, ont regretté plusieurs experts rassemblés à l’occasion d’une table ronde organisée par Euractiv le 12 mars à Paris sur la question du financement de l’agriculture.

Pourtant, l’accès à des prêts à des taux compétitifs est aujourd’hui assuré par les banques. « Il n’y a pas de problème de financement de l’agriculture en France. Aujourd’hui, un agriculteur irlandais emprunte à 5 ou 6 % alors qu’un agriculteur français emprunte à 1,2 % ou 1,3 % », explique Jean-Christophe Roubin, directeur de l’Agriculture du Crédit agricole. « Mais le problème, c’est qu’il faut consentir des investissements lourds pour se lancer. Par exemple pour initier une activité de production laitière de 300 000 litres, le ticket d’entrée minimum est à 600 000 euros », souligne le banquier.

Forte consommatrice de capitaux, l’agriculture rémunère peu. Une équation difficilement tenable pour les agriculteurs, notamment les jeunes qui s’installent et doivent lourdement s’endetter pour acquérir le foncier et le matériel nécessaire.

« Il y a un problème sur la valeur ajoutée, et cela depuis des années. Malgré l’amélioration des exploitations, la valeur versée aux agriculteurs n’est pas en train d’augmenter. En 25 ans, le prix des céréales n’a pas augmenté par exemple », détaille Jean-Christophe Roubin.

Ainsi, l’investissement agricole n’est pas forcément récompensé par une amélioration du revenu. « Il faut ramener la valeur dans les fermes », insiste de son côté Loïc Quellec, vice-président des Jeunes agriculteurs. « En tant que chef d’entreprise agricole, nous prenons beaucoup de risques qu’on est quasiment seuls à assumer, il faut que la PAC puisse accompagner ça ».

Politique agricole commune

La Politique agricole commune (PAC), dont la future mouture est en cours de négociation à Bruxelles doit pouvoir accompagner les agriculteurs dans le financement de leurs exploitations. Mais la réforme en cours n’annonce pas forcément des améliorations notables.

« Les négociations sur la nouvelle PAC avancent au Conseil et au Parlement. Mais obtenir un accord sur cette PAC en 2019 semble assez difficile » explique Jean-Baptiste Faure, adjoint au sous-directeur Europe au Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Les leviers d’actions de la future PAC se situeront davantage sur la rémunération des services environnementaux, les eco-scheme. « Certaines pratiques agricoles méritent d’être rémunérées, car elles ont un impact positif sur l’environnement », reconnait Jean-Baptiste Faure.

Si la PAC permet de soutenir les agriculteurs, elle laisse pourtant à l’écart un certain nombre de projets, qui « ne cochent pas les cases » explique Sophie Danlos, directrice de l’association Fermes d’Avenir. Ainsi, les projets de micro-fermes qu’accompagne l’association ne peuvent pas forcément bénéficier des financements publics traditionnels ou même des financements bancaires. « Nous avons déjà financé 300 projets avec 5 millions d’euros. Bien sûr ces montants restent anecdotiques au regard des besoins, mais c’est un début. »

Le financement participatif dédié à l’agriculture peut lui aussi remplir un rôle. « On apporte un complément de financement pour les agriculteurs en faisant appel à l’épargne des Français, qui sont des gros épargnants. Le but est de drainer une partie de cette épargne populaire pour financer des projets agricoles », explique Cyril Temin d’Agrilend.

Ces nouveaux modes de financement tendent aussi à rapprocher agriculteurs et consommateurs alors que les attentes sociétales en matière d’alimentation sont de plus en plus fortes.

Une évolution qui peut permettre aux agriculteurs de gagner une clientèle plus fidèle et prête à payer davantage pour son alimentation. Mais qui les soumet également à de nouveaux enjeux en matière de communication.

« Entre les attentes sociétales et celles en matière d’environnement, il faut que demain on devienne aussi des communicants. Peut-être qu’il faudra envisager dans la formation initiale des agriculteurs la communication », reconnait Loïc Quellec.

Cécile Barbière (Euractiv.fr)