Le marché du crédit carbone affiche une nette dynamique, avec 3 000 agriculteurs français impliqués en 2021 et environ 1 600 supplémentaires en 2022, selon Anaël Bibard, président de la plateforme Farmleap. « Il y a vraiment l’envie d’y aller, mais le retour sur investissement n’est pas encore assez élevé », affirmait-il lors de la table ronde organisée le 8 novembre au SIMA. Pour mémoire, un crédit carbone constitue une unité de mesure équivalant à une tonne de CO2 stockée dans le sol. « Nous sommes dans un marché en demande de carbone », assure François Thiérart (MyEasyFarm), « mais des crédits carbone autour de 30 €/t ne sont pas attractifs actuellement en grande culture, peut-être un peu plus pour les éleveurs ». La France accuse un retard par rapport à d’autres pays tels que l’Australie, qui a mis en place les crédits carbone depuis 2002. « Cependant nous sommes assez moteurs sur notre continent. Et le prix du carbone agricole se porte mieux en Europe qu’en Australie et aux États-Unis. Mais il faudra compter environ 5 ans pour avoir des éléments plus précis sur les mesures de séquestration du carbone dans les sols », estime Chuck de Liedekerke, directeur de Soil Capital. Les opérateurs sont en effet confrontés à la nécessité de fournir des données fiables à 100%, afin de trouver des acheteurs de crédits carbone. « La phase critique de mise en place des crédits carbone dans une exploitation court sur les cinq premières années, pendant lesquelles il faut veiller à ce que l’équilibre économique ne soit pas mis en péril », estime Thomas Martal, co-fondateur de Stock CO2, autre opérateur de compensation carbone. Pour Soil Capital, il s’agit de rendre le système solide et pratique pour l’agriculteur, en jouant sur plusieurs tableaux : la performance agronomique et la valeur du foncier. Sa démarche consiste à rendre le système le plus simple possible, sachant que la quantité d’informations à fournir et à mesurer reste un frein majeur. Soil Capital propose deux plans de rémunération carbone, basic et standard, avec un versement minimum de 27,50 €/t par certificat, augmenté à 32 €/t de CO2 en 2022. « Je pense que les agriculteurs n’ont pas encore pris conscience du revenu possible », estime Chuck de Liedekerke. « Les entreprises émettrices de carbone sont prêtes à payer un prix de 100 €/t pour du « carbone local » provenant de France et non de l’autre bout du monde ». Et ce prix est appelé à augmenter selon l’opérateur. Soil Capital rêve même à l’avenir d’un prix à 250 €/t qui rende compte de l’ampleur du service écologique rendu ! Un écueil demeure : les agriculteurs restent modestes en terme de taille, comparativement aux grands groupes acheteurs de crédits carbone, qui risquent de leur préférer un intermédiaire-grossiste. Conclusion d’Anaël Bibard : « à nous de prouver que cette valeur du carbone peut être déployée vers les agriculteurs ».

* La plateforme Farmleap numérique permet aux agriculteurs et à leurs partenaires d’échanger et de comparer leurs données techniques, économiques et environnementales, pour progresser en collectif.