Le contrôle des populations de vulpins et ray-grass dans les céréales d’hiver reste un enjeu majeur. En juin dernier, le comité technique de l’Apad* s’est penché sur le sujet. En partant de l’expérience conduite dans le Perche, cet atelier sur les graminées a pointé les solutions innovantes qui ont permis d’obtenir des résultats intéressants dans différents contextes de sol et de climat. Première évidence : la gestion des vulpins et du ray-grass ne peut pas s’appuyer sur une seule pratique. Seule l’addition de plusieurs actions donnera un résultat. L’Apad relève l’effet de plusieurs couverts mis en place en été : du sarrasin qui freine la levée d’adventices par antagonisme (allélopathie) ou du sorgho fourrager qui a un effet étouffant. L’étape suivante repose sur le choix de la variété implantée de la fin d’été à l’automne, sélectionnée pour sa croissance rapide et son port couvrant. Au semis, un apport de fertilisant placé sur le rang est aussi un moyen de favoriser le démarrage de la culture au détriment des adventices. Au besoin, les dates de semis peuvent être retardées pour casser les cycles, mais en veillant à ne pas trop décaler les dates de récolte. Le désherbage demeure aussi un pivot essentiel du contrôle des graminées adventices. Dans les céréales, le meilleur résultat est obtenu en passant dès la sortie de la première feuille, pour toucher des plantes encore fragiles. L’application d’un antigerminatif en 2 fois à l’automne, puis en sortie d’hiver, avant la fertilisation, permet en général de contrôler les germinations de ray-grass au printemps.

Revoir la rotation

Les recettes sont connues pour casser les cycles de levées et les périodes de destruction des adventices, en intégrant des cultures d’été. Deux cultures d’été à suivre (maïs/maïs ou tournesol/maïs) offrent un moyen de bien gérer les graminées d’automne. Évidemment, il n’est pas toujours possible de les intégrer dans une rotation céréalière classique. D’autres types de cultures permettent de couper le cycle des graminées adventices, par exemple la succession protéagineux/colza. En effet, la date de semis tardive du protéagineux permet de détruire au semis une bonne partie des levées qui ont déjà eu lieu. Ensuite, la date de semis précoce du colza suivant permet de jouer sur la concurrence entre le colza et les graminées.
L’intégration de prairies, quand c’est possible, est un autre atout. Elle permet de gérer les populations d’adventices par la fauche et diminue la pression. Une rotation de prairies/maïs/blé/orge contribue à limiter le salissement des parcelles. S’il n’y a pas d’élevage sur la ferme, ni d’échange avec un voisin éleveur, il est aussi possible d’essayer une valorisation par la méthanisation.

Équilibrer le sol

D’autres observations pointent aussi la relation entre certaines adventices et des déséquilibres du sol ou des problèmes de structure. Pour ce qui est du vulpin, sa présence est due à des sols dégradés, lourds, et en excès de magnésium (Mg). Le ray-grass se retrouve dans les sols limoneux, humides et compactés. En effet, la compaction de surface ne gêne pas le ray-grass car « son système racinaire chevelu et dense rétablit une structure aérée de type couscous », note le chercheur Gérard Ducerf qui travaille avec l’Apad. Il indique qu’il est possible de remédier à la compaction de surface par un apport de calcaire actif (CaCo3), à raison d’une tonne pour 10% d’argile, afin d’alléger les sols et de réduire l’anaérobie, propice à la levée de dormance des ray-grass et des vulpins. Autre indicateur donné par Gérard Ducerf : le rapport potasse sur magnésium (K20/Mg2) doit être égal ou proche de 2 pour limiter l’enherbement.

Solutions au cas par cas

L’Apad décrit plusieurs exemples d’agriculteurs en ACS, pour gérer leur stock de semences adventices. En Bourgogne, Adrien Beau cultive des céréales sur des sols superficiels avec une forte problématique de vulpin. Son premier levier est une rotation intégrant du sorgho grain, puis de la féverole ou du tournesol avant un blé et une orge de printemps ou un deuxième blé. « Cette rotation me permet de ne revenir en céréales d’automne que tous les 3 ou 4 ans. Avec un programme chimique rigoureux, je maintiens le salissement à un niveau correct. Mais je perds financièrement car le sorgho et la féverole ne sont pas des cultures qui me donnent autant de marge que le blé », explique-t-il. Pour diversifier la rotation, Adrien Beau a établi un partenariat avec un éleveur pour semer un méteil fourrager, fin septembre, à base de seigle, féverole, vesce, lotier et trèfle blanc. Le vulpin lève au cours de l’automne dans ce méteil qui est ensilé en avril-mai. Ainsi, le vulpin est exporté avant d’être à graines. Pour aller plus loin, il teste une meilleure aération de ses terres infestées en vulpin. Du carbonate est apporté pour essayer d’aérer les sols et de baisser le taux de magnésie sans augmenter le pH, élevé naturellement (7,5-8). Le but est de vérifier si l’excès de magnésie par rapport à la potasse favorise bien les vulpins. Réponse dans une ou deux campagnes !

*Apad : Association pour la promotion d’une agriculture durable