Les aides couplées en betteraves dont bénéficie un tiers des betteraves européennes peuvent-elles être considérées comme une distorsion de concurrence ? Une étude de l’Association de recherche technique betteravière (ARTB) a fait un état des lieux pour y voir plus clair.
La PAC autorise les états membres à soutenir certains secteurs avec des aides couplées pour remédier aux difficultés auxquelles ils sont confrontés. L’aide couplée est versée par animal ou par hectare. Elle est soumise à diverses conditions et à des limites strictes pour atténuer le risque de distorsion du marché.
Les états membres de l’UE ne doivent pas utiliser plus de 13 % de leur enveloppe de paiements directs pour octroyer l’aide couplée au revenu. Ce chiffre peut toutefois être augmenté de 2 % au maximum afin de soutenir la production de protéagineux.
32 % des betteraves européennes reçoivent des aides couplées
Ce régime d’aide bénéficie majoritairement au secteur animal, qui absorbe 73 % de l’enveloppe. La filière betterave représente 4,3 % de l’enveloppe globale, soit 185 M€.
Et si l’on ne considère que les pays fournissant une aide couplée à la betterave, cela couvre, en moyenne, 7,4 % de leur enveloppe (entre 1,5 % en Finlande et 16 % en Pologne).
En Europe, 32 % des betteraves reçoivent des aides couplées. La moitié des aides est distribuée en Pologne, soit 73,70 M€. Ce chiffre s’explique par le nombre d’hectares de betteraves cultivés en Pologne, qui approche les 250 000 ha. Les autres pays distribuant des aides couplées sont de petits producteurs de betteraves.
Le montant moyen de l’aide couplée européenne pour la betterave est de 375 €/ha dans la nouvelle PAC (depuis 2023). Il est de 296 €/ha en Pologne, mais peut monter à 663 €/ha en Italie et même 910 €/ha en Roumanie.
Pas d’aide couplée pour la betterave en France
Comme six autres pays betteraviers (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, France, Pays-Bas, Suède), la France n’accorde pas d’aides couplées à la betterave. Notre pays les affecte à d’autres productions bien précises : bovins, ovins, caprins, blé dur, fruits transformés, pommes de terre féculières, houblon, chanvre, protéines végétales…
Alors, ces aides couplées en betterave peuvent-elles être vues comme une distorsion de concurrence ?
Pour les défenseurs des aides couplées, les aides ne font que combler les écarts de rendement (voir graphe). En effet, les pays qui allouent des aides couplées sont tout ceux (hors Espagne) qui ont un rendement moyen inférieur à la moyenne européenne. « L’aide couplée permet de s’en rapprocher significativement (hors Roumanie et Finlande), note l’ARTB. Mais cet argument ne tient pas compte des différences de coûts de production par pays, à part l’Espagne, dont le rendement cache un coûteux recours à l’irrigation. »
Pour les opposants aux aides couplées, « les aides ne permettent pas l’ajustement nécessaire des surfaces et la concentration de la production dans les bassins les plus compétitifs », explique l’ARTB.
En effet, les pays qui allouent des aides couplées ont moins baissé leurs surfaces jusqu’en 2022 et affichent une progression des surfaces depuis 2017, à l’inverse des pays qui n’en allouent pas.
Comme souvent, la réponse est plus complexe que ce que les chiffres laissent paraître à première vue. Si les aides couplées peuvent être perçues comme une source de distorsion de concurrence, elles compensent souvent des rendements plus faibles. Elles ont néanmoins un impact sur l’expansion des surfaces cultivées. En Pologne, cette politique de soutien à la betterave a été efficace, puisque ce pays a augmenté ses surfaces de 45 % entre la fin des quotas et 2024. « Le pays s’est fortement développé vers l’exportation pays-tiers, au point de devenir le second exportateur de l’UE ! », souligne l’ARTB. Dans le même temps, les surfaces de betteraves reculaient de 1 % en France sur la même période.
Pour en savoir plus
Les aides couplées, un outil de soutien parmi d’autres
L’aide couplée à la betterave n’est qu’une partie des aides versées aux agriculteurs de l’Union européenne.
En France, l’aide moyenne perçue, par un betteravier, pour l’ensemble de son exploitation, a été de 270 €/ha en 2022. C’est moins que la plupart de ses concurrents : 22 % de moins que ses homologues polonais (347 €/ha), 35 % de moins que les Allemands (365 €/ha) et 41 % de moins que les Néerlandais (383 €/ha). Mais c’est davantage qu’en Roumanie, où les aides couplées ont représenté 25 % des 252 €/ha que le betteravier roumain a touchées en moyenne en 2022.
Le second pilier, ainsi que les aides nationales, minimisent, en partie, les écarts d’aides entre pays. Mais cela ne semble pas le cas en France : le betteravier français n’a touché, en 2022, que 13 €/ha au titre du second pilier, soit 4,5 fois moins que pour le betteravier allemand (59 €/ha). En 2022, les aides nationales ont été réduites à la portion congrue dans la France betteravière, mais ont dépassé les 100 €/ha aux Pays-Bas (plan de relance post-Covid).