Passera ? Passera pas ? C’est la question du jour. Après avoir envahi les pays de l’Europe de l’Est, la peste porcine est aujourd’hui à nos portes. En Belgique très exactement. Certes, les hommes ne risquent rien mais elle pourrait décimer aussi bien les populations de sangliers que de porcs domestiques. Originaire d’Afrique, le virus, présent depuis près de cinq ans dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, s’est progressivement rapproché de nos frontières. Il se transmet d’un animal à un autre mais peut également se disséminer par des mouvements de véhicules, de personnes en provenance de zones infectées ou par l’intermédiaire de denrées alimentaires.

Un enjeu majeur

La lutte contre ce fléau constitue un enjeu majeur de santé animale et économique. La confirmation de deux cas de peste porcine africaine le 9 janvier dernier en Belgique à près d’un km de la frontière, expose plus que jamais notre territoire à la contamination. Le niveau de risque est aujourd’hui maximal. Chez nos voisins, le gouvernement wallon a adopté un arrêté définissant un périmètre de 63 000 ha, établi par la Commission européenne et se basant sur la localisation des deux premiers sangliers positifs retrouvés.

Différentes mesures, validées par la Commission, ont été appliquées pour éviter la propagation du virus au-delà de ce périmètre : l’interdiction de toute forme de chasse et de nourrissage ; l’interdiction de circulation en forêt et de toute forme d’exploitation forestière pour éviter tout risque de propagation accidentelle par l’homme. Les mesures d’interdiction de circulation en forêt pour les zones tampon et noyau sont prolongées jusqu’au 1er avril prochain. Enfin, les personnes participant à la destruction de sangliers procéderont elles-mêmes, dans le respect des règles de sécurité, au transport et à l’évacuation des carcasses piégées ou abattues dans les zones tampon et noyau vers le centre de collecte de Virton.

5 à 600 sangliers doivent être abattus sur la « Zone blanche »

En France, les autorités sont sur les dents. Une « zone blanche », à très haut risque, est mise en place dans un rayon de quelques kilomètres autour des cas belges. Tous les sangliers la fréquentant devront être abattus. Didier Guillaume, le ministre de l’agriculture, s’est rendu dans les Ardennes pour superviser le dispositif. Il a demandé à la FNC, l’ONCFS et l’ONF une mobilisation maximale. La zone sera quadrillée par des patrouilles de l’ONCFS et des chasseurs, qui devront aussi rechercher des cadavres. Dans cette zone toutes les activités forestières sont suspendues. L’offensive a commencé. Des gardes de l’ONCFS patrouillent de nuit sur la frontière meusienne pour abattre les sangliers et créer un vide sanitaire.

500 à 600 animaux doivent être abattus dans cette zone blanche de 141 km2. Pendant la journée, des ouvriers ont aussi posé une clôture métallique de 1,50 m de haut, qui s’étendra à terme sur environ 70 km à cheval sur la Meuse et les Ardennes. Une clôture similaire est déjà en place côté belge. On a enfin posé des pièges.

Le sanglier est malin

Reste encore à trouver les sangliers ce qui n’est pas si facile. Une grande battue a ainsi réuni cent chasseurs et une quarantaine de traqueurs pour quadriller les 800 hectares de la forêt du Banel (Ardennes). Résultat : aucun sanglier levé durant la matinée, et seulement quatre sangliers abattus à la fin de la journée. Où sont passés les sangliers ? L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) par la voix de Xavier Lepape pense pourtant que l’éradication de « 300 à 400 » bêtes « c’est faisable, de toute façon on ne sera jamais à une éradication à 100 %, mais 90 à 95 %, clairement c’est faisable. » C’est sans doute un peu optimiste. Car le sanglier est malin, les chasseurs le savent bien. L’animal sait déjouer les ruses. Combien de fois voit-on par exemple un animal poussé par les rabatteurs reculer et disparaître ? La réussite de ce « vide sanitaire » est pourtant indispensable pour protéger le pays.

Si l’épidémie se propage chez nous, la France risquerait de perdre son statut de pays indemne et ainsi se voir refuser les exportations, notamment sur l’important marché chinois soit, 200 à 300 M€ de pertes pour la filière porcine française.

Ces opérations exceptionnelles – si elles réussissent – auront évidemment un impact sur les chasseurs du secteur qui ne reverront plus aucun sanglier dans les prochaines années. C’est que l’on ne fait pas de quartiers. Tous les animaux seront abattus qu’il s’agisse de mâles adultes, de femelles, de jeunes ou de marcassins. Le prix à payer pour éviter une catastrophe.

ÉRIC JOLY