C’est historique. Le prix moyen des betteraves, si l’on inclut les dividendes, intérêts aux parts et la compensation reçue au titre des pulpes, atteint 50,2 €/t, contre 43,7 €/t pour 2022 en France. La rémunération des betteraves 2023 est exceptionnelle grâce à un marché du sucre qui est resté soutenu l’an dernier. C’était nécessaire pour rattraper un revenu betteravier dégradé ces dernières années. Cette moyenne cache cependant des disparités entre les groupes sucriers. Chaque fabricant a choisi d’affecter plus ou moins de valeur sur le prix des betteraves, en fonction des choix de chaque groupe : 48,16 €/t chez Tereos, qui a réduit sa dette et 51,42 €/t chez Cristal Union qui annonce avoir mis en réserve 50 M€ (soit environ 3,50 €/t de betteraves) pour se donner la possibilité de booster le prix des betteraves en période de vaches maigres.

Le niveau de prix dépend aussi des marchés visés : un sucrier qui se concentre sur le marché européen et qui ne produit pas d’éthanol peut payer un prix de betterave supérieur, à l’instar de Saint Louis Sucre ou des sucriers privés seine-et-marnais Ouvré et Lesaffre (ce dernier attendant la fin de campagne pour finaliser son prix).

A contrario, les deux groupes coopératifs, qui ont des volumes conséquents, sont historiquement présents sur des marchés aujourd’hui un peu moins rémunérateurs, comme l’éthanol ou le sucre à l’export sur des pays tiers.

Résultat : depuis plusieurs années, la sucrerie Ouvré à Souppes-sur-Loing (53,35 €/t) est en tête pour la rémunération des betteraves. Cette année, il se dispute la première place avec Saint Louis Sucre (54,08 €/t). « On constate cependant des prix supérieurs chez nos voisins européens », observe le directeur général de la CGB, Nicolas Rialland.

Un coût de production à 35 €/t

Les prix des betteraves ont presqu’été multipliés par deux en seulement trois ans (voir graphique). L’atelier betteravier permet les meilleures marges dans beaucoup d’exploitations, comme au temps des quotas, au côté des pommes de terre et du lin.

On retrouve certes des betteraves rémunératrices, mais les charges ont aussi augmenté ces dernières années (autour de 3 100 €/ha en 2023, contre 2 200 €/ha il y a encore 5 ans). Sur ces nouvelles bases, le coût de revient complet de la betterave (main d’œuvre incluse) pour un rendement moyen est estimé par la CGB à 35 €/t. « À moins de 35 € par tonne, la betterave ne dégage plus de marge, alors qu’il y a quatre ans le point d’équilibre était à 25 € par tonne », avait déclaré le président de la CGB, Franck Sander, lors de l’assemblée générale du 7 décembre dernier.

En 2024, il faudra donc que les rendements tiennent pour maintenir un bon niveau de rentabilité, car on ne retrouvera plus les prix de 2023.

Prix 2024 : vers les 40 €/t

Alors que, l’année dernière, la CGB avait estimé que le prix des betteraves pouvait théoriquement atteindre les 55 €/t, le syndicat s’est livré au même exercice cette année pour les prix 2024. Le marché mondial et le marché européen étant en repli par rapport à la campagne précédente, le prix des betteraves suivra donc ce mouvement.

Le responsable économique de la CGB, Timothé Masson, a fait les calculs : « en fonction du sucre déjà vendu et celui qui reste à vendre, on espère avoisiner les 40 €/t, grâce à la valorisation des pulpes. »

Comme pour 2023, le niveau de prix 2024 sera en effet à moduler en fonction des évolutions futures du marché et des choix de gestion opérés par chaque industriel.

Cristal Union est le seul groupe sucrier à avoir publiquement évoqué le prix de la betterave 2024. Dans un communiqué de presse daté du 12 septembre, son président Olivier de Bohan indique : « nous sommes en mesure de confirmer l’objectif de prix de 40 €/t de betterave à 16°S pour nos coopérateurs pour la campagne de 2024. »

Le directeur général de la CGB, Nicolas Rialland, cite aussi ce chiffre de 40 €/t mais ajoute : « la tendance à la baisse sur le marché européen nous conduit à être très prudents sur le prix des betteraves, qui n’est pas encore fini d’être construit ».

La betterave 2024 pourrait donc perdre plus de 10 €/t. L’euphorie est donc bien terminée !

« Le prix de 46 €/t sera complété en CRV au mois de décembre »

Jean-Philippe Garnot, président de la CGB Île-de-France et livreur à Nangis

Pour la société Lesaffre, le prix de betteraves sera défini en fin d’année. Aujourd’hui il est de 46 €/t, sauf pour les planteurs qui ont respecté leurs engagements de volume : il est alors de 48 €/t. Ce prix sera complété en CRV au mois de décembre. Il faut en effet attendre la fin des cotations de septembre, car le contrat de Lesaffre prend comme référence le prix mondial du marché à terme et le prix européen du sucre. Les ventes de sucre de la société Lesaffre sont réalisées par Cristalco, la société commerciale du groupe Cristal Union.

« Le choix a été de réduire la dette du groupe »

Guillaume Wullens, président de la CGB Nord Pas-de-Calais et livreur Tereos

Tereos a annoncé un prix de betterave 2023 de 48,16 €/t, lors de son assemblée générale en mai dernier. Si l’on compare ce prix aux autres groupes sucriers, c’est un peu décevant. On aurait pu espérer mieux au vu des cours du sucre. Le choix du conseil d’administration a été de réduire la dette du groupe et de faire des investissements, notamment pour la décarbonation des usines afin de préparer l’avenir. Ceci dit, ce prix de 48,16 €/t reste exceptionnel. Ce prix sera définitif ou y aura-t-il un complément de prix comme ce fut le cas les deux années précédentes ?

Le prix 2024 n’a pas encore été annoncé. Mais il faut d’ores et déjà informer les planteurs qu’il sera en baisse, vu les cours du sucre actuels.

« Nous aurions pu avoir encore mieux »

Alexandre Quillet, président de la CGB Eure et livreur à Saint Louis Sucre

Le prix de 54,08 €/t (forfait collet 7 %) est un excellent prix, que les planteurs français n’ont jamais connu et que nous ne reverrons peut-être pas avant longtemps. Ce niveau de prix sera parmi les meilleurs de France et peut être même le meilleur. Cependant, si nous devons être puristes, et c’est bien ce que nous demandent les planteurs, je constate, deux ans après avoir signé le contrat 2023, que la construction de ce prix sur le plan contractuel est moins favorable que celui de 2022. Nous étions pourtant partis sur le même abaque, avec la possibilité de prolonger la corrélation prix de la betterave / prix du sucre quand le prix de l’observatoire européen du sucre dépasserait les 600 €/t. Cela aurait été plus fidèle à l’esprit initial du contrat. Les représentants CGB à la Commission de répartition de la valeur (CRV) ont demandé le prolongement de la linéarité de la courbe du prix du sucre au-delà de 600 €, mais sans succès.

« L’équivalent de 3,5 €/t de betteraves ont été mis en réserve »

Bertrand Languillat, vice-Président de la CGB Champagne-Bourgogne, livreur à Cristal Union

La betterave retrouve des marges rémunératrices avec des rendements moyens, comme du temps des quotas. Aujourd’hui, la betterave a la meilleure marge de nos assolements.

Le prix de 51,42 €/t est un record. Il faut ajouter aussi l’équivalent de 3,5 €/t de betteraves qui ont été mis en réserve dans une caisse de péréquation dotée de 50 M€ pour compléter le prix des betteraves dans les 6 ans à venir. 2023 est une année exceptionnelle et nous allons perdre environ 10 €/t l’année prochaine, même si nous avons réussi à endiguer les importations de sucre ukrainien. Cristal Union a annoncé un prix d’objectif de 40 €/t. Ce prix devrait encore pouvoir couvrir les charges, si le rendement est au rendez-vous. Car cette année, les coûts de protection contre la cercosporiose ont explosé, avec 4 à 5 passages de fongicide.

La betterave moins bien payée en France que chez nos voisins

La Commission européenne, a rendu public les prix moyens de la betterave des deux années passées sur le territoire de l’UE, lors du comité de gestion du 29 août dernier.

Pour la campagne 2021-2022, le prix moyen sur le territoire de l’Union européenne est de 28,90 €/t. La zone regroupant le France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique est à 28,7 €/t. En France, la moyenne 2021 était de 26,5 €/t selon la CGB.

Pour la campagne 2022-2023, le prix moyen européen est de 47,6 €/t. La zone France/Allemagne/Pays-Bas/Belgique est à 46,0 €/t. En France, la moyenne 2022 était de 40,3 €/t selon la CGB. La différence est donc de 6 €/t !

À noter que ces prix sont hors pulpe, la Commission européenne demandant aux entreprises sucrières de renseigner les prix de betterave sans inclure la compensation qu’ils versent à leurs planteurs au titre des pulpes.

Brocard d’été
Afin de faciliter les comparaisons, les prix des betteraves ont été calculés en tonnes à 16°S à partir de prix exprimés parfois à 17°S ou 18°S et avec des coûts de transport.©SEDA
Brocard d’été
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Le Betteravier français a collecté les prix des betteraves 2023 dans différents groupes sucriers en Europe auprès des responsables des associations de planteurs des pays concernés, et les a ramené à la manière dont on les construit en France – c’est-à-dire décolletées et à 16°S. Force est de constater que les betteraves sont mieux payées chez nos voisins : la différence est d’environ 10 €/t supplémentaire.

Allemagne

Südzucker : le prix de la betterave a été de 72,13 €/t à 16°S. Il faut en déduire le transport et ajouter les primes.

Nordzucker : chaque producteur pouvait choisir entre deux modèles de prix différents. Les prix finaux ont été les suivants : contrat à prix fixe 41,4 €/t, contrat à prix variable 57,13 €/t.

Pfeiffer et Langen : le prix de la betterave a été de 56,50 €/t à 16°S (plus les primes pour livraison anticipée et tardive, moins 25 % des frais de transport).

Belgique

La Raffinerie Tirlemontoise (groupe Südzucker) a annoncé le prix définitif des betteraves sucrières pour la campagne 2023 à 62,06 €/t (en équivalent betterave à 16°).

Pays-Bas

Cosun : Les coopérateurs avaient eu pour 2023 un prix minimum de 35 €/t à 17 %, plus un bonus « membre » qui est déterminé sur la base des résultats du groupe Cosun, très diversifié notamment les frites surgelées). Pour 2023, la prime de membre s’élève à 43 €, ce qui donne un prix de la betterave de 78 €/t à 17°, soit 73,41 €/t à 16°S.

Pologne

Dans ce pays, c’est le planteur qui commercialise la pulpe lui-même, le prix est donc « hors pulpe »

Südzucker Polska : le prix de 55,59 €/t à 16°S, incluant le transport des betteraves à la sucrerie puis celui des pulpes à l’exploitation.

Nordzucker : le prix de 47,80 €/t à 16°S. Les planteurs doivent, par ailleurs, payer les coûts de transport de la pulpe jusqu’à l’exploitation.

Polski Cuker : il s’agit d’un prix garanti 46,5 €/t. Le prix définitif sera connu après la fin de la campagne de commercialisation 2023-2024 et dépendra du prix de vente moyen du sucre au cours de cette période. Les planteurs supportent les coûts du transport des pulpes, le taux est fixe à environ 0,92 €/t.

Pfeiffer and Langen : le chiffre de 45 €/t est un prix garanti. Le prix final sera connu après la fin de la campagne de commercialisation 2023-2024 et dépendra du prix de vente moyen du sucre pendant cette période. Les planteurs supportent les coûts du transport des pulpes d’environ 1,1 à environ 2,5 €.

Autriche

Agrana : prix de 61,56 €/t à 16°S, tout compris

Suède

Nordic Sugar : Chaque producteur pouvait choisir entre deux modèles de prix différents, avant les semis. Les prix finaux ont été les suivants, pulpes incluses : contrat à prix fixe 42,5 €/t, contrat à prix variable 50,56 €/t.

N.B. : Afin de faciliter les comparaisons, les prix des betteraves ont été calculés en tonnes à 16°S à partir de prix exprimés parfois à 17°S ou 18°S et avec des coûts de transport.